comme le sauveur de la cité. Thémistocle en tira trop d’orgueil et le fit trop paraître. Chaque fois qu’il montait à la tribune, il citait ses services, vantait sa valeur guerrière et sa sagesse politique. Il dédia un temple à Artemis Aristoboulé (de bon conseil) et osa y placer sa propre statue. La reconnaissance n’était point une vertu athénienne et il n’était pas bon d’y rappeler le peuple du Pnyx. Thémistocle s’aliéna la plèbe, d’autant plus facilement qu’elle sentait qu’elle n’avait plus besoin de lui. Aristide prenait alors l’initiative des lois démocratiques, et Cimon, qui commençait sa carrière sous les auspices d’Aristide et qui était retenu par lui dans une sorte de neutralité, ne s’était point encore accusé comme partisan décidé de l’aristocratie. Les Spartiates qui étaient à cette époque alliés des Athéniens et qui haïssaient Thémistocle, furent instruits des nouveaux sentimens de la multitude. À leur instigation, Léobotes, fils d’Alcméon, accusa Thémistocle de n’avoir pas révélé la trahison de Pausanias, qui passait pour être vendu au roi de Perse. Thémistocle fut traduit devant les héliastes. On ne parvint pas à prouver sa culpabilité, il fut acquitté. On n’avait pu condamner le grand homme par les lois ordinaires, on eut recours à la loi d’exception. L’acquittement éclatant de Thémistocle lui avait rendu sa popularité ; ses ennemis l’exploitèrent en disant qu’il allait bientôt prendre dans la ville une autorité démesurée, menaçante pour l’égalité démocratique. Ils demandèrent un vote d’ostracisme. Au dépouillement du scrutin, il n’y eut probablement pas beaucoup de tessons portant un autre nom que celui de Thémistocle, car il paraît à peu près certain que l’ostracisme qui bannit le vainqueur de Salamine ne fut pas provoqué pour mettre fin à la rivalité de deux chefs de parti, mais pour donner satisfaction aux sentimens d’envie et de défiance d’une ombrageuse démocratie.
Tant qu’Aristide avait vécu, sa haute autorité et sa droite raison avaient pour un temps arrêté la lutte entre les partis. L’oligarchie le considérait comme lui étant dévoué, et par de sages concessions, il avait gagné l’affection de la plèbe. Lui mort, les oligarques et les démocrates recommencèrent le combat. Les premiers prirent Cimon pour chef ; à la tête des seconds on vit Éphialte et Périples. Cimon était moins rompu aux manœuvres politiques et surtout moins éloquent que ses adversaires ; mais il avait pour lui le prestige de grandes victoires et les avantages d’une grande fortune qu’il dépensait avec magnificence. Pendant quelques années, Cimon fit prévaloir ses idées dans la politique intérieure et extérieure d’Athènes : Périclès et Éphialte voulaient l’abaissement de l’aréopage et la diminution du pouvoir des archontes ; l’aréopage gardait ses prérogatives et les archontes conservaient leur pouvoir. Périclès et Éphialte