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pour aller à Venise à l’entrevue où il devait se réconcilier avec Frédéric Barberousse; et même, en 1252, c’est à Siponto que débarqua Conrad IV de Hohenstaufen, quand il vint prendre possession de l’Italie méridionale. Manfred acheva déminer cette ancienne cité par la construction de la ville qui reçut son nom.

Une lieue à peine sépare l’emplacement désert de Siponto de la petite ville gaie et tranquille de Manfredonia, coquettement située sur la mer, au milieu d’une végétation qui rappelle la Calabre ou la Sicile. En espalier au pied du Gargano, le canton environnant doit à son exposition vers le midi et à la façon dont la montagne le couvre contre les vents du nord, de jouir d’un climat exceptionnel. C’est en 1263 que Manfred décida la construction de cette nouvelle ville, pour l’emplacement de laquelle il consulta les astrologues et aussi les marins, car cet emplacement fut très bien choisi en vue de ce que voulait réaliser le fils de Frédéric II. La plaine au nord de l’Ofanto et le canton du Gargano étaient dépourvues de port, ceux de Siponto et de l’antique Salapia (aujourd’hui remplacée par le misérable village de Salpi) ne pouvant plus recevoir convenablement les navires. Il décida d’en créer un nouveau, qui servit en même temps à communiquer avec les possessions qu’il venait d’acquérir en Épire. Aucune position n’était plus favorable que celle où il bâtit Manfredonia, dans le fond du golfe que forme la saillie du Gargano, ayant devant soi une vaste rade, très bien abritée et d’une tenue parfaitement sûre. Manfred apporta à cette œuvre utile et bien conçue l’ardeur que l’on met d’ordinaire à une fantaisie. Deux années suffirent à avancer assez la construction de la nouvelle ville pour qu’en 1265 on pût y transporter l’évêque et les habitans de Siponto, auxquels on joignit des colons recrutés de droite et de gauche. C’est alors que disparut tout ce qui avait pu se conserver des ruines de la cité antique, exploitées comme carrière pour ces travaux où le transport des pierres, de la chaux et du sable employait, disent les chroniqueurs, « tous les bœufs de l’Apulie. « 

Le plan de Manfredonia avait été conçu sur une très large échelle. Le roi prétendait faire de la cité à laquelle il donnait son nom le principal centre commercial de la Pouille et son chef-lieu administratif. Il y établit un hôtel des monnaies et il en donna la direction à deux Amalfitains, renommés pour leurs connaissances pratiques en cette matière, Mauro Pisonto et Nicolo Campanella. Il est probable que ces deux personnages avaient été antérieurement employés à la fabrication des espèces de Frédéric II, qui presque toutes ont été battues à Amalfi. Mais les travaux étaient loin d’être terminés quand Manfred mourut les armes à la main, en 1266. Charles Ier d’Anjou les fit continuer activement, et c’est lui qui acheva