Le visiteur étonné et ému qui gravit pour la première fois l’Acropole d’Athènes ne peut retenir un sourire à l’aspect de ces bizarres assemblages. Quant au musée proprement dit de l’Acropole, qui contient les admirables Victoires de la balustrade du petit temple de Niké, c’est un entresol obscur où les morceaux les plus précieux sont comme noyés sous des monceaux de fragmens qui dispersent et lassent l’attention. L’Acropole tout entière n’est d’ailleurs qu’un vaste musée qui, par défaut de surveillance, est beaucoup trop exposé aux rapines des collectionneurs et des amateurs de souvenirs. Des débris aussi admirables que les chapiteaux de l’Erechthéion restent étendus[à terre et semblent provoquer le vandalisme : la trace des coups de marteau récens est partout visible. Dans l’intérieur du musée même, les outrages de ce genre ne sont pas rares. Il est évident que lorsqu’une ville de soixante-dix mille âmes renferme dix musées au lieu d’un seul, le personnel qu’on peut placer dans chacun d’eux est tout à fait insuffisant. Un petite collection surveillée par un seul gardien n’est en vérité pas surveillée du tout; c’est le cas de dire avec le poète : Sed quis custodiet ipsum custodem?
Athènes posséderait aujourd’hui la plus belle glyptothèque du monde et verrait doubler le nombre de ses visiteurs annuels, si l’on y faisait venir, pour les y installer avec soin, les œuvres d’art répandues dans ce qu’on appelle, par euphémisme, les musées d’antiquités de province. Les plus importans de ces musées sont à Olympie, Myconos, Sparte, Argos, Piali et Tanagre ; mais il est presque impossible de les énumérer tous, car il s’en trouve, du moins à l’état embryonnaire, dans la plupart des mairies et dans beaucoup de maisons d’école. Les collections de province devraient servir de dépôts provisoires, mais l’esprit de décentralisation est si vivace qu’il les défend contre les prétentions d’Athènes. A une heure de la capitale, Eleusis et le Pirée possèdent chacun leur musée local. Sauf de très rares exceptions, les sculptures entassées sous ces abris sont dans des conditions de conservation pitoyables : il eût assurément mieux valu qu’elles restassent sous terre. Trop heureuses encore celles qui ne sont pas exposées à l’humidité, à la pluie, aux coups de lime et de marteau, aux mutilations des gamins du village ! Le Grec est fier des antiquités de son pays, mais il ne les comprend ni ne les respecte. A Athènes même, la population indigène ne paraît jamais dans les musées ; la collection de Mycènes, tout étincelante d’or et d’argent, attire seule d’autres visiteurs que les étrangers. Quant aux musées de province, j’en connais un, et des plus remarquables, qui n’a pas été ouvert une seule fois dans l’espace d’une année, alors que la population de l’île où se trouve le musée en question s’oppose avec un véritable fanatisme au transport de ses statues à Athènes ! Ceux qui ont fréquenté, les Grecs