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partie du Péloponnèse, qui se trouvait enrichie par une vraie pluie d’or, la ville de Pyrgos, voisine d’Olympie, et les habitans des villages environnans protestèrent contre l’idée du transfert des marbres dans la capitale. Sur ces entrefaites, le roi de Grèce, accompagné de M. Coumoundouros, vint à visiter Olympie : les habitans accoururent au-devant de sa majesté et supplièrent avec force démonstrations qu’on ne leur enlevât point les richesses trouvées sous leur sol. Le roi George eut la faiblesse de céder et donna sa parole que les marbres d’Olympie resteraient à Olympie même. A la vérité, le roi n’avait pas le droit de prendre un engagement de ce genre; mais l’erreur une fois commise, nous comprenons qu’on l’ait respectée. Un généreux Athénien, M. Zingros, offrit plus tard une somme de 300,000 francs pour la construction d’un musée à Olympie. On ne peut qu’applaudir à cette libéralité, mais, avant que le musée soit construit[1], l’Hermès, rongé par l’humidité, aura perdu tout au moins une partie de sa fraîcheur et de son éclat. Les Pyrgiens n’ont pas tardé à s’apercevoir qu’ils avaient fait un bien sot calcul. Une fois les fouilles terminées et la mission allemande partie, le nombre des visiteurs d’Olympie s’est réduit à peu de chose, et ceux qui entreprennent aujourd’hui ce long et pénible voyage, avec la perspective d’être exposés à la fièvre dans une sorte d’étable dénommée auberge, sont des archéologues qui seraient allés à Olympie, quand même les statues de l’Altis eussent été transférées à Athènes, pour étudier ce merveilleux assemblage de temples que l’expédition de Morée a découverts et que l’Allemagne a déblayés complètement. En outre, comme les frontons du temple de Jupiter sont entassés à Olympie dans une confusion indescriptible, sans qu’on ait pu adapter les fragmens qui s’y rajustent ni attribuer aux différentes figures la place qu’elles occupaient dans les tympans, c’est à Berlin qu’il faut aller pour bien connaître dans leur ensemble, au moyen des moulages qu’on y a disposés avec tant d’art, les compositions majestueuses d’Alcamène et de Péonios[2],

Ce qui s’est passé à Olympie, grâce à l’intervention personnelle du roi et au consentement tacite de la chambre, constitue un précédent funeste dont la science et les musées d’Athènes doivent cruellement se ressentir. On ne peut plus découvrir une œuvre d’art sur un point quelconque de la Grèce sans que la localité la

  1. D’après des informations toutes récentes, la construction du mutée ne commencera pas avant 1885.
  2. Voyez, dans la Revue du 15 février 1882, le travail de M. Emile Michel sur le musée de Berlin. — A Olympie, au moment où nous écrivons, le corps et la tête de l’Hermès sont dans une grange, le petit Bacchus que porte Hermès et le pied de l’Hermès lui-même dans une autre ! Sculptures, entablemens, chapiteaux, tout est empilé au hasard. Les bronzes seuls sont disposés avec quelque ordre, grâce à M Furtwangler, qui les a catalogués.