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Page:Revue des Deux Mondes - 1883 - tome 56.djvu/206

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Que leur importe qu’il n’ait rien fait? Il a le tort d’être né, il a le tort d’exister, et d’une seule voix ils crient : « Sus à la bête ! » Il pourrait se faire que cette grande aversion pour les princes ne fût chez eux qu’une forme particulière de la haine que leur inspirent toutes les supériorités, tout ce qui les dépasse. Ceci est un cas pathologique, sans ressource et sans remède.

Aux énergumènes se sont joints les timides, les peureux, les méfians, ceux qui prennent l’alarme et s’effarent sans motif, ceux qui, comme le lièvre de la fable, sont douteux, inquiets et ne savent dormir que les yeux ouverts.


Un souffle, une ombre, un rien, tout leur donne la fièvre.


Certains députés ont cru s’apercevoir à de vagues symptômes que, depuis quelque temps, la république était moins solidement assise, que sa situation était moins prospère, que la foi dans ses destinées était devenue plus chancelante. Ils s’en prennent aux intrigues des prétendans; quelque malheur qui nous arrive, nous aimons mieux nous en prendre aux autres qu’à nous-mêmes. Ces députés feraient bien de se demander s’ils n’ont pas contribué pour leur part à détacher beaucoup de gens du régime qui leur est cher. On les accuse d’avoir introduit dans le gouvernement parlementaire des pratiques fâcheuses, d’avoir froissé par une politique de secte et de passion des intérêts fort respectables, d’avoir compromis la fortune du pays par leur gaspillage, par une prodigalité de travaux publics destinés à amorcer l’électeur. On leur reproche de s’être permis beaucoup de choses qu’ils blâmaient, qu’ils censuraient autrefois; on se plaint qu’après avoir flétri de leurs anathèmes l’avidité des quêteurs de places, ils ont été infidèles aux vertus austères qu’ils prêchaient et trop indulgens pour les ardentes convoitises de leurs amis et de leurs cliens, parmi lesquels il y avait des cadets de grand appétit, impatiens de mettre couteaux sur table.

Les républicains peureux dont nous parlions assurent que les monarchistes sont en train de miner la république par leurs intrigues. Les monarchistes affirment qu’il n’y a qu’à laisser faire les républicains, qu’ils se détruiront par leurs maladresses et leurs fautes. A qui faut-il donner raison? C’est un problème souvent difficile à éclaircir que celui des effets et des causes. Nous lisions dernièrement un petit pamphlet médical fort bien fait et fort curieux, intitulé les Mémoires d’un microbe[1]. D’illustres savans, comme on sait, inclinent à attribuer toutes nos maladies à l’action sourde et clandestine des êtres microscopiques.

  1. Mémoires d’un microbe, par le docteur Wiart, professeur à l’école de médecine de Caen. Paris, Coccoz, 1882.