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de M. Grévy suffisait. La loi de 1834, qu’on a appelée la charte de l’armée, est là; elle donne le droit de mettre les officiers en retrait d’emploi par une décision du pouvoir souverain. C’est dans la loi sans doute; mais ce qui est également vrai, c’est que ce droit réservé au pouvoir exécutif ne s’est jamais exercé que dans des conditions prévues, soigneusement déterminées. Ce qui n’est pas moins vrai, c’est que, dès cette époque de 1834 où la loi était discutée, les esprits libéraux se préoccupaient de l’abus possible de cette prérogative, exprimaient la crainte qu’on ne pût retirer l’emploi « par l’arbitraire d’un ministre, par le caprice des bureaux, par une vengeance politique. » Aussi le gouvernement du temps, un gouvernement dont les ministres de la guerre s’appelaient le maréchal Soult, le maréchal Gérard, tenait-il dès le premier moment à dissiper toutes les inquiétudes, à entourer de garanties l’exercice de la prérogative royale. La loi de 1834 était à peine votée qu’elle se complétait par des déclinions royales, par des règlemens instituant une série de formalités protectrices, précisant et limitant les causes pour lesquelles un officier pouvait être atteint, « inconduite, fautes dans le service, défaut de capacité. » De tout temps il a été entendu que le retrait d’emploi, peine militaire, ne pouvait être infligé que pour des raisons d’un ordre tout militaire, en dehors de toute considération politique. Depuis le premier jour, à part quelques faits exceptionnels qui ne prouvent rien et qui ont été d’ailleurs justement reprochés aux gouvernemens, ces règles ont été constamment suivies, appliquées, respectées par une succession de ministres de la guerre sous tous les régimes. Elles étaient remises en lumière, il n’y a encore que quelques mois, à la dernière inspection générale, par M. le général Billot, qui confirmait une fois de plus l’autorité de la décision royale du 18 septembre 1834, qui rappelait que « toute proposition de retrait ou de suspension d’emploi doit être accompagnée des pièces sur lesquelles elle est basée, d’un extrait des notes de l’officier, etc. » De sorte qu’il s’est formé avec le temps tout un corps de législation militaire, tout un ensemble de traditions, de décisions, d’interprétations consacrées, de règlemens adhérens à la loi elle-même, fixant avec précision les formes de l’instruction préliminaire, définissant les circonstances dans lesquelles un officier peut s’attirer la peine disciplinaire du retrait d’emploi.

Cette instruction préliminaire que M. le général Billot rappelait à la dernière inspection a-t-elle été faite? Ces formes protectrices garanties par les règlemens comme par une longue tradition militaire ont-elles été observées ? M. le ministre de la guerre ne paraît pas même s’en être occupé. Il n’avait besoin pour l’exécution qu’il méditait ni d’instruction préliminaire ni de proposition. Il s’est contenté d’adresser à M. président de la république un rapport sommaire, où il rappelle pour la forme, et bien inutilement, quelques articles de loi qu’il comprend