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LA
JEUNESSE DE M. HASE

Tous les hommes qui ont aujourd’hui quarante ans et qui ont passé leurs examens, du baccalauréat à la Sorbonne se souviennent de M. Hase, un grand vieillard à cheveux blancs, fort recherché de la jeunesse pour son extrême indulgence. Il avait l’habitude de scander les réponses du candidat d’un très bien! articulé lentement, mais avec conviction. Quelquefois même, à un mot latin ou grec, il tressaillait sur sa chaise et restait comme interdit devant le. savoir de son jeune interlocuteur. Cela ne l’empêchait pas, disait-on, de marquer de temps à autre un médiocre ou un nul au candidat.

Quand on le voyait faire son cours, on ne savait ce qu’il fallait admirer davantage : sa science ou sa bonhomie. Toute l’antiquité lui était familière : auteurs, monumens, histoire, géographie, grammaire, il savait tout. Il savait tant de choses qu’il était continuellement tenté de sortir de son sujet pour se laisser aller aux digressions. Une parenthèse en amenait une autre, et quand, au bout d’une heure, il était arraché, bien malgré lui, par la voix de l’appariteur à sa leçon, l’exposition n’avait peut-être pas avancé beaucoup, mais on avait appris, sur toute sorte de matières, quantité de faits curieux et peu connus. Sa mémoire était prodigieuse, car non-seulement il citait de tête ses auteurs, mais il pouvait dire le livre, le chapitre et la ligne.

Tout un cycle de légendes s’attachait au nom de M. Hase. Quelques-uns prétendaient que, sous des dehors paternels, il cachait un caractère sceptique et égoïste. On racontait des anecdotes plus ou