Page:Revue des Deux Mondes - 1883 - tome 56.djvu/447

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

accroître l’importance de cet établissement, qui était en pleine prospérité lorsqu’il fut supprimé, en 1791, par un décret de l’assemblée nationale.

La jumenterie devait être rétablie l’année même d’Iéna. Le premier empire a consommé beaucoup d’hommes et encore plus de chevaux. Ceux du Midi, sobres et endurcis à la fatigue par la misère du jeune âge, se firent apprécier dans les marches triomphales de nos armées à travers l’Europe. Ce sont eux que l’on compta en plus grand nombre dans les héroïques débris de la retraite de Russie.

La paix rétablie, la remonte de la cavalerie fut un moindre souci, et la jumenterie se trouva de nouveau supprimée en 1825. La préoccupation des armemens sous le gouvernement de juillet devait en provoquer la reconstitution quelques années plus tard. Le directeur du haras, M. de Lespinats, fut chargé de réunir quelques jumens d’Orient, selon la tradition du passé. Il y eut au début à peine une douzaine de poulinières, toutes d’un grand mérite. On y joignit plus tard quelques mères de pur-sang anglais, dans le dessein de créer une race anglo-arabe, à l’exemple de ce qui se pratiquait avec plein succès dans les haras de Russie, de Hongrie et d’Allemagne.

Après avoir atteint les limites mêmes de la vitesse, le cheval de course commençait dès cette époque, adonner des signes certains d’une dégénérescence causée par l’abus même de sa généreuse nature. Certes le noble animal n’était point encore tombé à l’état dégradé du coureur de nos jours efflanqué, taré, épuisé sous la cravache et le fouet, triste victime de révoltantes brutalités, sorte de dé lancé sur la roulette de l’hippodrome et trop souvent pipé. Mais ce n’était déjà plus le puissant athlète d’autrefois, admis seulement dans l’arène à l’apogée de la vigueur, plein d’une énergie habilement contenue[1]. Toujours est-il que la prévoyance la plus élémentaire prescrivait dès ce temps la régénération de la race par le retour au sang oriental.

Le haras de Pompadour fut ensuite dirigé avec beaucoup d’entente par M. Eugène Gayot, éminent homme de cheval dont les énergiques protestations ont heureusement arrêté des tendances funestes à notre élevage.

La prospérité de la jumenterie allait en croissant ; elle contribuait chaque année d’une façon très brillante à remonter les haras en étalons anglo-arabes pour la région convenable au pur-sang anglais

  1. Au point où elles en sont, les épreuves au galop contribuent au perfectionnement de l’espèce chevaline, autant que les courses de crabes, organisées par les sportmen sur la plage de Trouville, sont œuvre de pisciculture améliorante.