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LE
PROGRAMME JACOBIN


I.

Rien de plus dangereux qu’une idée générale dans des cerveaux étroits et vides : comme ils sont vides, elle n’y rencontre aucun savoir qui lui fasse obstacle ; comme ils sont étroits, elle ne tarde pas à les occuper tout entiers. Dès lors, ils ne s’appartiennent plus, ils sont maîtrisés par elle ; elle agit en eux et par eux ; au sens propre du mot, l’homme est possédé. Quelque chose qui n’est pas lui, un parasite monstrueux, une pensée étrangère et disproportionnée vit en lui, s’y développe et y engendre les volontés malfaisantes dont elle est grosse. Il ne prévoyait pas qu’il les aurait ; il ne savait pas ce que contient son dogme, quelles conséquences venimeuses et meurtrières vont en sortir. Elles en sortent fatalement, tour à tour, sous la pression des circonstances, d’abord les conséquences anarchiques, maintenant les conséquences despotiques. Arrivé au pouvoir, le jacobin apporte avec lui son idée fixe; dans le gouvernement comme dans l’opposition, cette idée est féconde, et la toute-puissante formule allonge dans un nouveau domaine la file pullulante de ses anneaux multipliés.


II.

Suivons ce déroulement intérieur et remontons, avec le jacobin, aux principes, au pacte primordial, à l’institution de la société. Il n’y a qu’une société juste, celle qui est fondée sur « le contrat social, »