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ses conclusions que fidèle dans ses prémisses aux méthodes positives. « La période destructive est passée, — écrivait M. Abbot, en 1875, dans la préface d’un volume, Freedom and Fellowship in religion, publié par l’Association religieuse libre ; — la période constructive est inaugurée. Dans la science, les plus grands esprits se distinguent par des généralisations positives ; dans la philosophie, les lignes commencent à converger vers certains centres. Le sentiment et l’imagination, revenus du choc que leur a causé la chute des vieilles idoles, se remettent courageusement à peupler le ciel avec les manifestations d’un nouvel idéal. »

Bien qu’Herbert Spencer déclare rejeter le panthéisme à l’égal du théisme et de l’athéisme, sa conception de l’inconnaissable comme un pouvoir mystérieux et transcendant, en même temps qu’omniprésent et éternel, support du monde et source de tous les phénomènes, ne laisse pas de favoriser cette sorte de mysticisme que provoque, dans les religions panthéistes, le sentiment de la communion entre l’Être fini et l’Être absolu. C’est ce côté de la philosophie nouvelle qui semble surtout avoir séduit l’esprit américain. Dès l’abord, un ami personnel d’Herbert Spencer, le professeur John Fiske, qui passe aux États-Unis pour un des premiers et des plus éloquens interprètes du philosophe anglais, développa la synthèse de l’évolution sous le nom de philosophie cosmique, n’hésitant pas à reconnaître la possibilité de combinaisons de matière et de force « aussi supérieures à l’humanité que celle-ci l’est elle-même au cristal et à l’algue, » ainsi que l’existence d’un pouvoir impersonnel qui se manifeste éternellement et universellement dans l’activité phénoménale de l’univers. Cette doctrine fit rapidement école, et son titre même de cosmisme, déjà adopté par une des premières associations fondées sous les auspices de la « religion libre, » la Free religions Congrégation de Florence, dans le Massachusetts, est peut-être appelé, comme le reconnaissait dernièrement M. Potter, à fournir le nom d’un nouveau culte. Qu’on parcoure les essais et les conférences analysés ou reproduits chaque semaine dans l’Index, on sera certainement surpris, non-seulement du nombre et de l’ardeur des esprits qui s’attaquent aux côtés synthétiques de l’évolutionisme, mais encore des ressources qu’ils y trouvent pour ouvrir des horizons nouveaux au sentiment religieux et pour le satisfaire jusque dans ses aspirations les plus exaltées. Sans doute beaucoup de ces travaux n’ont de valeur que comme indication de tendances ; mais il y a telle page de MM. Abbot, W. Cannett, Savage, telle conférence de MM. Potter, Frothingham, Chadwick, etc., qui se distinguent autant par la rigueur de la démonstration que par l’élévation des idées et la poésie du langage. Ce sont, en tout cas, des lectures recommandables à