arithmétique de l’accroissement des subsistances. Mais anathèmes ni réfutations n’empêchent que Malthus, en cherchant à découvrir les lois qui règlent le développement de la population, ait soulevé un problème dont la solution n’a pas encore été trouvée, et qu’en signalant la tendance de la population à s’accroître plus rapidement que les subsistances, il ait mis le doigt sur une cause incontestable de misère. Il faut, au reste, que le problème soit bien délicat et qu’il puisse se présenter sous des faces bien différentes pour que, dans ce recueil même, qui s’honore par l’entière liberté d’opinions laissée à ses rédacteurs, ce problème ait pu dans le cours de quelques mois être traité à deux reprises et résolu d’une façon contradictoire. M. Charles Richet a soulevé le premier la question dans deux études où la chaleur de l’inspiration le dispute à la précision des chiffres et il n’a pas hésité à attribuer les malheurs que la France a déjà subis, ceux qu’on peut redouter encore pour elle, à l’accroissement trop lent de sa population[1]. Pour lui, le péril national est là : il n’y en a même point d’autre. Mais voici qu’à quelques mois de distance M. Maurice Block[2] se préoccupe au contraire de la densité croissante de la population par rapport à la fécondité du sol, et, s’inquiétant de voir la France tirer déjà de l’étranger une partie de sa subsistance, il signale dans cette disproportion un autre péril national contre lequel il y aurait lieu de se prémunir, sinon dans le présent, au moins dans un avenir assez rapproché. Lequel a raison ? lequel a tort ? Il se pourrait bien faire qu’ils eussent raison et tort tous les deux, parce qu’il se placent à deux points de vue très différens : M. Richet au point de vue de la puissance militaire et commerciale de la France ; M. Maurice Block au point de vue du bien-être de ses habitans. M. Richet s’émeut de la disproportion croissante entre l’élément français et l’élément anglo-saxon à la surface du globe ; Son patriotisme ne s’effraie pas seulement à la pensée du moins grand nombre de défenseurs que, dans le cas peu probable d’une collision générale, notre pays pourrait réunir sous ses drapeaux ; ce qui l’afflige, c’est la diminution de notre influence à l’étranger, l’oubli où notre langue, ce grand instrument de propagande, est en train de tomber, et il hâte de ses vœux le moment où l’excédent de sa population permettrait à la France de répandre sur le nouveau monde un flot d’émigrans égal à celui que l’Angleterre ou l’Allemagne y déversent chaque année sans s’appauvrir.
Je comprends les inquiétudes de M. Richet ; j’ajoute même qu’il