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Page:Revue des Deux Mondes - 1883 - tome 56.djvu/860

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elles arrivent rarement à atteindre un salaire de 6 francs par jour. Il y en a très peu qui soient employées comme metteuses en pages. Néanmoins, c’est encore un très bon métier pour une femme que celui de compositrice typographe. J’ai eu l’occasion de visiter il y a quelque temps un de ces ateliers où les femmes sont exclusivement employées, et c’est une grande satisfaction que de les voir ainsi adonnées à un métier rémunérateur qui développe leur intelligence, qui n’épuise point leurs forces, et qui leur assure un gain à peu près régulier. Il faut être soi-même compositeur typographe pour s’en affliger.

Il n’y a donc qu’un très petit nombre de professions exercées par les femmes où le salaire rémunère surtout le don naturel et l’intelligence, partant très peu de femmes qui touchent des salaires véritablement élevés. En revanche, il y en a une grande quantité qui exercent des professions où le salaire rémunère à la fois une certaine instruction professionnelle, et je ne dirai pas la vigueur physique (pour les femmes l’expression serait impropre) mais la continuité dans le travail. Pour les femmes, ces professions sont de beaucoup les plus nombreuses, celles qui exigent uniquement l’effort physique n’étant guère à leur portée. Avant d’indiquer les salaires afférens à quelques-unes de ces professions, je dois répéter une observation que j’ai déjà faite à propos de certains métiers exercés par les hommes, c’est que de ces salaires il faut défalquer le temps de la morte saison régulière. Or il n’y a peut-être pas une seule des industries exercées par les femmes qui échappe à la morte saison. Pour quelques-unes même, c’est l’activité qui est l’exception ; c’est la morte saison qui est l’habitude : quatre mois d’activité, huit mois de morte saison. Pour d’autres, la morte saison se borne à six mois, pour les industries les plus favorisées elle est encore de deux à trois mois. C’est une observation qu’il ne faut jamais perdre de vue, quand on rencontre d’abord ces salaires encore assez élevés qu’assurent aux femmes les industries alimentées par le luxe.

Prenons pour exemple la profession de fleuriste. Une bonne fleuriste (je ne parle pas des monteuses de guirlandes, qui réalisent des gains exceptionnellement élevés) peut gagner de 5 à 6 francs par jour. C’est là un salaire assurément élevé et qui, se joignant à l’attrait de la profession elle-même, peut tenter plus d’une jeune fille. Mais elle ne doit pas oublier que son métier de fleuriste ne la fera vivre que quatre mois de l’année sur douze, et que pendant les huit autres mois de l’année il faudra qu’elle se rabatte sur quelque autre. La même observation peut être faite pour les brodeuses en fin et pour les plumassières, c’est-à-dire les ouvrières qui apprêtent les plumes pour les robes et chapeaux. Les unes et les autres peuvent