dissémination où travaillent le plus grand nombre d’entre eux, surtout les femmes, ne leur permettent pas l’entente préalable. Les grèves supposent toujours une profession organisée. L’individu isolé qui vit comme il peut d’un salaire insuffisant ne pense qu’à une chose, c’est à trouver du travail, fût-ce à bas prix. Aussi, tandis que les salaires élevés ont encore haussé a Paris depuis dix ans, les salaires faibles sont demeurés presque stationnaires. Je ne sais même pas s’il ne faudrait pas dire qu’ils ont baissé à cause de l’augmentation du coût de la vie, et ce n’est pas en tout cas sur les grèves qu’il faut compter pour faire augmenter les humbles salaires.
Les moyens que j’ai appelés pacifiques peuvent se diviser en deux catégories ; ceux qui, transformant la condition de l’ouvrier, l’associent aux bénéfices directs de la production elle-même, et ceux qui, le laissant dans sa situation de salarié, lui assurent seulement une part dans les profits du patron. C’est le système de la coopération et celui de la participation aux bénéfices. Un mot sur chacun de ces deux systèmes.
Pendant les dernières années de l’empire, il avait été fondé beaucoup d’espérances sur les sociétés coopératives. On avait tellement parlé et reparlé de la Société des équitables pionniers de Rochdale qu’on avait fini sincèrement par se persuader que cet exemple heureux pouvait être érigé en règle et que les ouvriers pouvaient, tout en restant ouvriers, devenir aussi patrons en créant, par l’apport de leurs minces souscriptions, le capital de l’établissement industriel dans lequel ils travailleraient. L’idée était ingénieuse ; dans certains cas même, elle était juste. C’est ainsi que, dans les sociétés coopératives de consommation, les cliens sociétaires, en prenant leurs repas dans l’établissement et en s’y approvisionnant, réalisent urne certaine économie sur le prix de leur nourriture et partagent ensuite entre eux le bénéfice qu’auraient fait les intermédiaires. Mais, sans compter qu’une société de consommation n’est pas facile à établir dans une grande capitale, ces visées étaient trop modestes pour les ouvriers parisiens. Ce qu’ils voulaient, c’était devenir patrons. Aussi se tournèrent-ils vers les sociétés coopératives de production. Pour leur venir en aide, quelques hommes d’affaires, qui, dans la circonstance, se conduisirent en philanthropes, créèrent une caisse d’escompte des associations populaires. Comme le nombre de ces associations était fort petit et qu’elles faisaient fort peu d’affaires, la caisse commença par prêter de l’argent à long terme aux sociétés en voie de formation, afin de pouvoir ensuite escompter leur papier, Mais les sociétés coopératives ne remboursèrent pas la caisse, qui dut elle-même, au bout d’un certain temps, suspendre ses opérations, et tout sombra dans un désastre général.