Page:Revue des Deux Mondes - 1883 - tome 57.djvu/105

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

que la conception en est ingénieuse, semblent appeler à un grand avenir, nous avons voulu montrer que l’homme lui-même, ce dernier-né d’une création dont il résume en lui tous les traits, loin d’échapper aux lois générales que la science tend à établir, s’y conformait par ce qu’il laisse soupçonner de son origine et que, lié invinciblement aux plantes et aux animaux qu’il a su détourner à son avantage, soumettre à son service, ou combattre et finalement exterminer, il avait pourtant partagé leur destinée, dès qu’il s’agit de rechercher les traces de ses premiers pas, au sortir de la région mère reculée et encore indéterminée qui le vit naître et qui présida à son développement initial.

Avant de laisser ce qui touche aux origines présumées de l’homme, il est impossible de ne pas dire un mot des rapports que l’on a souvent cherché à établir entre lui et les pithéciens. L’homme primitif, d’après plusieurs savans de l’école transformiste, ne serait autre qu’un anthropomorphe perfectionné, physiquement en vue de la marche et de la station bipède, intellectuellement par le développement de la capacité crânienne, jusqu’au moment où le raisonnement qui consiste dans la faculté d’abstraire, en se servant du langage articulé, aurait pris chez lui la place de l’instinct. Les innombrables et indéniables connexions anatomiques ou physiologiques qui rattachent le corps humain à celui des singes, surtout des singes élevés en organisation, qui n’ont ni appendice caudal ni callosités aux fesses, et dont la face même, si l’on veut, et les allures ont quelque chose de singulièrement humain, favorisent ce système au moins en apparence. Il faut observer cependant que ces similitudes tiennent, en grande partie, au plan général sur lequel les vertébrés, et en particulier les mammifères, ont été tracés. L’homme, en dépit de son immense supériorité mentale, est un mammifère au même titre que les autres êtres compris dans cette division du monde animal. Son classement au point de vue physique est hors de contestation ; mais l’origine génétique ou, en un seul mot, la descendance, est une tout autre question, plus obscure et plus difficile à résoudre, même en acceptant les données purement darwiniennes. D’après celles-ci, l’homme serait certainement sorti d’une forme inférieure, dont il représenterait la culmination. Il serait le terme auquel aurait abouti une série, mais cette série, si l’on veut, cette tige dont l’épanouissement aurait eu l’homme pour couronnement, il n’est pa3 dit que nous la connaissions, ni qu’elle n’ait pu se dérober à nous dans le passé, encore moins que ce soit celle des pithéciens.

Les pithéciens, en effet, ont au fond d’autres attenances que des attenances purement humaines. Leurs allures sont plutôt analogues que directement assimilables à celles de l’homme ; autrement adaptés, ils paraissent avoir suivi une marche évolutive toute différente.