qui sont répandus le long des affluens de gauche, ont servi à la fabrication des instrumens chelléens recueillis par M. Noulet d’abord et plus tard par M. d’Adhémar. Plus loin, vers l’ouest et le sud, les environs de Dax, le centre de l’Espagne autour de Madrid, le Portugal ; en Italie, la vallée du Pô, les environs de Pérouse, enfin le centre de l’Algérie, l’Egypte et même le Cap, témoignent, selon l’opinion raisonnée de M. de Mortillet, de l’extension de la race chelléenne, qui, toujours semblable à elle-même par les produits de son industrie, pourrait bien résumer les traits de cette première expansion à travers les continens qui nous a paru avoir dû caractériser la marche de l’humanité à son origine. Ce qui autoriserait cette croyance, c’est la présence non douteuse, tellement elle résulte d’une frappante similitude, de ces mêmes instrumens chelléens dans l’Amérique du Nord. Nous en avons déjà parlé d’après M. de Nadaillac ; M. de Mortillet n’est pas moins affirmatif à leur égard. Il les signale dans les alluvions glaciaires de la vallée du Delaware (New-Jersey), par 75 degrés de longitude ouest, d’une part, et, d’autre part, dans le bassin du Bridger (Wyoming), à la même latitude, entre le 40e et le 44e degré de latitude nord, mais à 4,000 kilomètres de distance des premiers, par 110 degrés de longitude ouest. L’Amérique aurait donc été peuplée aussi par la race chelléenne venue du nord en même temps qu’en Europe, pénétrant à la fois dans les deux continens, atteignant de part et d’autre la même latitude et armée des mêmes instrumens.
Ces instrumens si caractéristiques, leur uniformité même empêche de les méconnaître. Parmi eux, presque aucune diversité, comme dans les âges subséquens. La division du travail, cet indice certain de la supériorité industrielle, est ici réduite à son plus bas degré. La hache chelléenne, toujours la même, a cependant dû servir à plus d’un usage. C’était là son mérite aux yeux des hommes qui l’ébauchèrent, parfois avec une rare régularité ; c’est aussi le signe de l’évidente infériorité de la race qui sut la tailler et se borna durant des milliers d’années à son emploi exclusif, l’appliquant sans doute à une foule d’emplois. Mais, d’abord, est-ce bien là une hache au sens naturel du mot ? M. de Mortillet démontre victorieusement qu’il n’en est rien et, examinant de près l’instrument chelléen, il en précise les traits et en détermine la vraie nature. Impropre à tout emmanchement, uniquement destiné à être tenu en main, il mérite le nom de « coup de poing ; » en lui tout est calculé, la dimension, la forme du contour, dans le seul dessein de faciliter le mouvement de la main qui retenait et serrait ce disque en amande, pointu par une de ses extrémités, plus ou moins tranchant sur les bords, souvent échancré ou un peu tordu, fréquemment aussi demeuré brut par un bout, émoussé en manière de talon et fait pour être saisi et