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Binche, qui résista un peu plus et où il augmenta son artillerie de cinq pièces de campagne. Il s’arrêta quelques jours dans cette ville déjà industrielle et commerçante, et plus importante alors qu’aujourd’hui ; ses partis parcouraient le pays, allaient jusqu’aux portes de Bruxelles, levant des contributions, semant l’alarme partout. Melo rassembla les débris de ses troupes, prit position à Mons et à Nivelles, rappela Fuensaldaña, qu’il avait laissé en observation sur la lisière du Boulonnais, et fit encore une fois revenir Beck du Luxembourg. C’était bien ce que le duc d’Anguien espérait et, dès qu’il eut obtenu ce résultat, il reprit la route de France. Le 8 juin, en passant à Maubeuge, il trouva des nouvelles qui lui causèrent un assez vif désappointement.

Il n’avait rien demandé, rien fait demander pour lui après sa victoire ; mais il avait espéré qu’on lui accorderait sans délai des récompenses, dont quelques-unes insignes, il est vrai, pour ses officiers, pour son armée. A ses instances très vives en faveur de Gassion on répondait par des promesses. Certainement le mestre de camp général de la cavalerie légère serait nommé maréchal de France avant la fin de la campagne ; mais il y avait des engagemens pris avec M. de Turenne, et le nouveau règne ne pouvait être inauguré par cette promotion de deux huguenots, d’autant plus qu’il y avait un troisième concurrent, considérable par sa famille, M. de La Force, qui était aussi protestant. Certains ménagemens sont imposés à une régence, et la reine, sans oublier que M. de Gassion a s’était engagé à demeurer dans l’entière fidélité quand même ceux de sa religion manqueraient à leur devoir[1], » ne pouvait envoyer encore le bâton si bien gagné. Aucune réponse au sujet de Sirot et de Quincé, désignés par M. le Duc comme devant être promus au grade de maréchal de camp et attachés à son armée. Bien sur le rétablissement des enseignes dans les vieux régimens, ni sur les compagnies qu’il avait demandées pour divers officiers ; rien non plus sur le gouvernement de Rocroy, dont il désirait voir gratifier d’Aubeterre, un des bons mestres de camp de la bataille, en remplacement de Geoffreville, « qui a si mal défendu sa place[2]. » On se bornait à remplir quelques-uns des vides qu’une bataille sanglante laisse toujours dans les rangs, même d’une armée victorieuse. Quelques renforts lui étaient annoncés[3] et on lui envoyait, avec deux maréchaux de camp qu’il n’avait pas indiqués, Grancey et Palluau, un nouveau lieutenant-général en remplacement de l’Hôpital, à qui sa blessure avait donné un honorable prétexte de retraite.

M. le Prince avait proposé dans le conseil de donner cet emploi à

  1. La Régente à M. le Duc, 20 mai.
  2. M. le Duc à M. le Prince, 23 mai.
  3. Le Roi à M. le Duc, 22 mai.