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L’œil ébloui s’étonne et rêve la venue
De quelque roi grotesque, aux bas jaunes ou verts,
Démarche titubante et couronne à l’envers,
Hurluberlu quatorze ou prince de la sorte,
S’avançant dignement, entouré d’une escorte
De gardes moustachus et casqués de fer-blanc ;
Puis se tournant soudain vers l’escadron volant
Des danseuses, brillant dans sa magnificence :
« Et maintenant, messieurs, que la fête commence ! »

Le soleil éclatant s’abaisse à l’horizon.

Seul, devant le palais, parmi la floraison
Des roses de Bengale et des palmiers d’Afrique,
Un homme est là, debout, sur ce tableau féerique
Attachant un regard vague et comme hébété.
Autour du tapis vert il a longtemps lutté :
La fortune marâtre a fait sa poche vide.
Et, très pâle, sentant le vent du suicide
Passer dans ses cheveux et courir sur son front,
Il regarde, au lointain, le soleil rouge et rond…
Et vers ce louis d’or dont les clartés descendent,
Comme pour le saisir, ses mains sèches se tendent.



III. L’ETOILE.


Nice.

Dans le ciel transparent que le couchant colore
Une étoile paraît, timide et seule encore,
Comme un œil scintillant aux portes de la nuit.
Seul moi-même, suivant le hasard de mon rêve,
Assis sur un rocher au-dessus de la grève,
Je regarde, songeur, ce point fixe qui luit.

Et je me dis : « Combien, avant moi, d’autres hommes
Depuis les premiers temps de ce monde où nous sommes