Page:Revue des Deux Mondes - 1883 - tome 57.djvu/23

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

officiers de valeur ; mais leur mérite même ne faisait que rendre ce grand nombre plus gênant. Comme ils arrivaient les uns après les autres, M. le Duc demanda avec quelque impatience qu’on arrêtât ce déluge de maréchaux de camp : « Ne nous en envoyez plus ; nous en sommes embarrassés, et je vous ferai retourner ce que nous avons de trop ; » d’autant plus que, M. de Gesvres ayant un commandement séparé et l’exerçant avec hauteur, aucun de ses camarades ne voulait servir sous lui. « Il serait bon de régler cela, car cela faict enrager tous les aultres et le service ne se faict pas[1]. »

La Vallière avait conservé ses fonctions de maréchal de bataille (chef d’état-major) et M. de Choisy celles « d’intendant de justice et finances, » avec M. de Tyran sous lui comme « général des vivres ; » M. le Duc avait désigné Saint-Martin, un des lieutenans du grand-maître, pour remplacer La Barre et commander l’artillerie ; il n’eut qu’à s’applaudir de ce choix. On mit à sa disposition un ingénieur appelé Perceval, qui avait dirigé plusieurs des sièges de Hollande et qui passait pour le premier de son temps. Perceval dut chercher dans les régimens quelques officiers de fortune pour s’en faire assister. Il avait amené un homme spécial pour la conduite des travaux dans l’eau, Courteille, dont la nature de la place rendait le concours fort utile.

Nous ne discuterons pas le mérite des lignes continues, en usagé au XVIIe siècle et bien souvent employées depuis, pour protéger l’assiégeant contre les attaques intérieures et extérieures. M. le Duc se dispensa de la contrevallation, mais il construisit une circonvallation dont le développement était d’environ 18 kilomètres. Sur la rive gauche, en aval de la place, les lignes touchaient à la Moselle près de Massom, et en amont, vers le lieu dit aujourd’hui Maisonneuve ; sur la rive droite, elles enfermaient les deux Yutz ; le point culminant était au nord-ouest, vers Guentrange (cote 330). Épousant les formes d’un terrain varié, présentant un relief inégal, fraisées et palissadées sur certains points, elles étaient ici disposées en crémaillère, là brisées par des flèches ou flanquées par des redoutes, appuyées enfin par quelques ouvrages plus considérables et décorés du nom de forts. Dès le 20 juin, un pont de bateaux amené de Metz, établi en amont, assurait la communication entre les deux rives, les gués devenant impraticables à la moindre crue ; un second pont sur pilotis fut plus tard construit en aval. Pour remuer une semblable masse de terre, il fallut le concours d’un grand nombre de paysans enrôlés comme travailleurs, payés et nourris. Comme le général en chef n’épargnait pas l’argent, ce fut mené vivement. Dès le 26 juin,

  1. 26 juin.