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au retour, le tout au cas qu’il n’arrive point aux ennemis d’autres troupes que celles qu’ils ont[1]. »

Un peu au-dessous de Thionville, la Moselle, quittant la belle et large vallée qu’elle retrouvera un peu plus loin, serpente au fond d’une gorge assez étroite. Là, sur la rive droite, un château, aujourd’hui ruiné, est accroché au flanc d’un mamelon que, dans un de leurs méandres, les eaux du fleuve battent avant de changer de direction. Une file de maisons trouve à peine place sur une berge étroite au-dessous du château ; c’est Sierck, alors terre de Lorraine. L’infanterie de M. le Duc enleva la ville le soir même de son arrivée ; le gouverneur fit mine de défendre le château, reçut quelques coups de canon et capitula au bout de vingt-quatre heures (3 septembre). Cette facile conquête coûta la vie à un vigoureux officier, Maupertuis, mestre de camp de Picardie, tué à l’attaque de la ville, et au maréchal- général des logis Chevers, une des espérances de notre cavalerie[2], qui fut surpris dans un fourrage. Très affligé de cet accident, M. le Duc chemina toute une nuit avec Rantzau, d’Aumont et un gros parti, autant pour venger son ami que pour tâcher d’en venir aux mains avec la cavalerie de Beck ; mais il ne rencontra pas les Croates et ne put décider le général ennemi à sortir de Luxembourg.

A peine entré dans Sierck, il avait écrit à son père : « C’est une place absolument mauvaise et qui ne se peut quasy deffendre ; je croy qu’il seroit bien à propos de la raser[3]. » Toutefois, comme le point avait son importance dans la situation des belligérans, il y laissa une garnison. L’occupation de ce poste était l’épilogue du siège de Thionville ; la prise même de cette grande place, si glorieuse qu’elle fût, n’était pas le seul but qu’Anguien avait eu sous les yeux en proposant, dès le 23 mai, le « dessein du Chenest. » Lorsqu’il demandait à conduire vers l’est l’armée victorieuse à Rocroy, sa pensée allait jusqu’au Rhin. Il faut revenir sur nos pas, jeter un coup d’œil sur la situation militaire en Allemagne, parler un peu du grand homme dont les dernières actions se confondent avec les premiers pas du duc d’Anguien, esquisser la vie du maréchal de Guébriant.


HENRI D’ORLEANS.

  1. M. le Duc à Mazarin, 18 août.
  2. Voir le récit de la bataille de Rocroy.
  3. 4 septembre.