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que le public eût souscrit ; ils étaient affectés aux dépenses des budgets extraordinaires des exercices 1879 et 1880. On avait commencé par dépenser, puis on avait emprunté ; si bien que, plusieurs mois avant le versement des derniers tenues de l’emprunt, le trésor n’était déjà plus maître des sommes qu’ils devaient lui fournir.

Depuis quatre ans, c’est par les mêmes procédés qu’on fait face aux budgets extraordinaires. C’est ce qui fit jeter, l’an dernier, un cri d’alarme à M. Léon Say en présence d’une dette flottante qui allait monter à trois milliards. C’est la même méthode cependant que l’on continue. Le ministre des finances se défend de toute pensée d’emprunt avant 1884, et cependant il est incontestable que l’on fait de grandes dépenses extraordinaires : on se procurera les ressources après ; on commence à prendre de tous côtés, comme à la petite semaine, des fonds que le public est toujours libre de retirer ; on les consolidera plus tard. On a même fait de ces expédiens une théorie : « La dette flottante n’a pas en principe, dit M. Tirard dans l’exposé des motifs de 1884, pour but d’avancer les fonds destinés à être consolidés sous forme de dette perpétuelle. Si les charges du budget extraordinaire l’exigent, elle peut et doit fournir les moyens de trésorerie nécessaires pour permettre au gouvernement de choisir, avec une complète liberté d’action, les circonstances et les moyens les plus favorables pour la réalisation définitive des capitaux affectés à ce budget. » Nous ne craignons pas de dire que peu de doctrines sont aussi dangereuses. La dette flottante fournit des moyens de trésorerie afin de laisser au ministre le choix de l’heure de l’emprunt public ; ce n’est là ni un procédé correct ni un procédé prudent. Qu’arriverait-il si l’horizon venait tout à coup à se troubler et, si les dépenses engagées et terminées, on se trouvait dans la nécessité et à la fois dans l’impossibilité d’emprunter ? C’est cette prétendue liberté d’action, ce choix de l’heure la plus favorable, qui nous a amenés, après des retards indéfinis, à faire la conversion dans les circonstances les moins propices ; cette même liberté et ce même choix pourraient nous contraindre à des emprunts publics au moment où ils seraient le plus onéreux. Ce qui fait la ruine, ce n’est pas l’emprunt, c’est la nécessité où l’on se met d’emprunter.

Dans le système nouveau, on ne sait jamais ce qu’est la dette flottante. Il y a d’ailleurs deux dettes flottantes, la dette flottante officielle, qui est assez restreinte, la dette flottante occulte, qui est énorme. On éprouve une certaine difficulté à se procurer d’une manière périodique le tableau des engagemens du trésor ; la commission du budget elle-même a de la peine à obtenir ces renseignemens précieux et indispensables. Il serait bon que, chaque mois, l’administration publiât des informations précises à cet