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quatre-vingt-cinq francs (85 fr.), ce serait 300,000 hectares à se procurer au taux présumé de vingt-cinq millions cinq cent mille francs (25,500,000 fr.). Le calcul des dépenses occasionnées par l’établissement des centres créés depuis 1871 ayant démontré qu’il serait imprudent d’évaluer la dépense d’installation des trois cents villages à moins de quatre-vingt mille francs (80,000 fr.) pour chacun d’eux, il en résultait une nouvelle somme de 24 millions environ, somme à se procurer pour l’achat des terres, la plupart par la voie de l’expropriation, et pour les travaux d’installation, c’est-à-dire une dépense totale, en chiffres ronds, de cinquante millions, (50,000,000 fr.). Le peuplement des trois cents villages, à cinquante feux agricoles chacun, permettrait d’établir dans de bonnes conditions quinze mille familles d’agriculteurs, ou soixante mille personnes environ. En ajoutant à ce chiffre celui des industriels qui viendraient se fixer dans chaque centre, où des emplacemens à bâtir et des lots de jardins (10 par contrée) leur seraient réservés, c’était un nouvel appoint qui donnait, en somme, un total de dix-huit mille familles ou soixante-douze mille personnes pouvant être établies en Algérie[1].


Le gouvernement ayant reconnu dans ses communications officielles la nécessité d’implanter dans la colonie une population française assez dense pour faire contrepoids non-seulement à l’élément indigène, mais encore à l’élément européen étranger, l’honorable M. Thomson s’est appliqué à démontrer dans ses différens rapports, par des raisons tirées de ses connaissances personnelles du pays, les avantages qu’il y aurait, suivant lui, à grouper ensemble les nouveaux arrivans qu’on se proposait d’attirer dans notre colonie. « Il y avait à craindre, pensait-il, que livrés à eux-mêmes, ils ne s’éparpillassent au hasard dans des établissemens éloignés les uns des autres, formant des espèces d’îlots toujours menacés par les indigènes des tribus environnantes, de telle sorte qu’aux époques troublées où le fanatisme musulman porterait la population arabe, sinon à un mouvement insurrectionnel, du moins à quelques actes d’insubordination, leur sécurité deviendrait un sujet de préoccupation pour l’administration. Au point de vue de la prise de possession du sol, et dans un intérêt tout à fait politique, il importait donc de créer des centres fortement constitués, représentant un certain nombre de familles françaises, par conséquent aussi un certain nombre de fusils, capables, non-seulement, de se garder elles-mêmes, mais de protéger, par l’ascendant moral qui résulte de la

  1. Exposé des motifs du projet de loi ayant pour objet de mettre à la disposition du ministre de l’intérieur une somme de 50 millions de francs pour être employés en acquisitions de terres et en travaux de colonisation en Algérie (séance de la chambre des députés du 9 décembre 1881).