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un état incompatible avec la température ; dans leur habitat normal, l’absence des feuilles coïnciderait avec le froid et l’humidité. D’ailleurs, les feuilles flétries par la chaleur ne peuvent accomplir leurs fonctions, ni donner la réplique aux racines qui, sans elles, n’accomplissent pas leur évolution annuelle. A l’appui de cette théorie, on trouve des concords greffés très vigoureux à côté de leurs pareils chétifs et non greffés ; car, chez les premiers, la partie aérienne est en harmonie avec le milieu, et compense jusqu’à un certain point la non-adaptation des racines. Je remarque aussi que, plantés en terrain plat, élevé, exposé à tous les vents, ils résistent mieux que dans des vallées abritées et chaudes. Nous savons qu’on ne combat la sécheresse que par la profondeur et un ameublissement assez parfait pour détruire la conductibilité de la terre, en supposant, bien entendu, que les racines profitent de cette profondeur et de cet ameublissement en s’enfonçant profondément dans le sol. Ce n’est pas ainsi que se comportent les racines des labruscas, dont l’habitat normal, humide et froid, les dispose par un enracinement superficiel à profiter du peu de soleil accordé par une courte saison estivale et à éviter l’humidité excessive ; est-il surprenant que cette conduite tenue à quelques centaines de lieues au sud de leur pays d’origine leur soit fatale ?

Les défaillances des clintons s’expliquent aussi par la direction de leurs racines et par une texture de feuilles incompatible avec la zone où on veut les placer. J’entends par direction des racines l’angle qu’elles forment avec la souche. On se rend compte de l’effet de cet angle en comparant les racines du concord avec celles du clin-ton. Chez le concord, l’angle est presque droit et, par conséquent, la direction est horizontale, ce qui défend aux racines de chercher la fraîcheur dans la profondeur, même si elle s’y trouve, ce qui est rare dans le Midi.

Chez le clinton, des causes inverses amènent un résultat identique ; ses racines forment avec la souche un angle très ouvert ; elles descendent presque perpendiculairement, et, si elles ne rencontrent pas la profondeur qu’elles cherchent, elles se pelotonnent contre le sous-sol impénétrable plutôt que de s’étendre à sa surface ; c’est une première cause de défaillance ; nous trouvons la seconde dans l’exiguïté de surface et d’épaisseur de ses feuilles, qui, pas plus que celles des labruscas, ne peuvent contribuer à la circulation et à l’élaboration de la sève. On peut attribuer la durée. des clintons de M. Pagézy à ce qu’ils ont rencontré le sol profond et frais qui leur est nécessaire et à ce que la greffe les a dotés d’un feuillage apte à supporter le soleil du Midi. Les racines du riparia sauvage sont diversement inclinées, c’est-à-dire suivant des angles divers. Ceci