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même à greffer des hybrides sur racines résistantes, s’ils croyaient échapper ainsi à leur nouvel ennemi.

Le congrès de Bordeaux est déjà loin ; si j’en parle encore, c’est pour montrer combien la marche suivie par nos grands chefs viticoles est droite et sûre, puisque tout ce qui a été dit par eux à Bordeaux nous a été redit à Montpellier, il y a quelques semaines, avec preuves matérielles à l’appui. Malgré quelques échecs, dus autant à des découragemens qu’à des erreurs d’adaptation, le flot monte toujours, marquant des étapes de plus en plus concluantes. M. Planchon nous a indiqué la ligne à suivre. Depuis cette époque déjà lointaine, elle a été suivie prudemment par les uns, audacieusement par les autres. Quelques-uns se sont découragés et se sont retournés vers les insecticides, mais ni les défections ni les attaques des adversaires chimistes n’ont pu arrêter la foule grossissante qui veut reconquérir la fortune.

Il ne faut pas nier absolument l’efficacité des insecticides, car, dans certains cas et dans certains milieux, leur application peut donner d’excellens résultats provisoires, et si leurs partisans étaient moins ardens à la lutte, ils seraient plus écoutés. Mais quelques-uns de leurs champions se servent d’armes si singulières qu’ils feraient douter de la valeur de leur système. Ainsi ils analysent et défigurent les paroles des américanistes, les traitent par amputations, résections, contractions et me rappellent enfin un épisode américain de la vie de Mgr de Cheverus. Étant missionnaire à Boston, il discutait publiquement avec un pasteur protestant qui trouvait dans la Bible, moyennant suppressions, adjonctions, oublis de pagination, toutes les munitions qu’il pouvait désirer, Mgr de Cheverus se leva impatienté et lui dit : « Il est aussi écrit dans l’évangile : Judas sortit et alla se pendre » et plus loin : « Allez et faites de même. »

Les apôtres de la chimie viticole ont tenté maintes fois de faire porter leurs bannières aux Américains ; mais voilà que M. Wetmore, le grand maître en viticulture des Californiens, écrit le 15 janvier 1883, « qu’il existe en effet des fabriques de sulfure de carbone, mais que ce produit est surtout employé à détruire les fourmis et les rongeurs, notamment une variété d’écureuils très importune qui habite sous terre ! »

Le congrès de Montpellier a mis en lumière la somme des connaissances acquises et confirmées par l’expérience depuis le congrès de Bordeaux. Aucun discours n’a été prononcé, mais chacun a répondu simplement aux questions d’un président qui en aurait remontré à tous. Trois séances ont été consacrées à la vigne américaine, une au greffage, deux à la submersion et aux insecticides. Comme renseignement général, disons sans commentaire qu’aux