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attitude hostile était la portion de territoire qu’on nommait le Sol sacré (Holy ground), situé au confluent de la Tallapoosa et de la Coosa. Jackson s’y dirigea avec le projet d’y faire sa jonction avec l’armée du Sud. Il y arriva à la fin d’avril après une marche longue et difficile, trouvant les routes coupées et les ruisseaux transformés en rivières par des pluies torrentielles. Ce retard permit aux Indiens de se disperser ; mais leur puissance était irrévocablement brisée et toute lutte était désormais inutile. Leurs chefs vinrent demander la paix au vainqueur. Jackson exigea qu’avant tout on livrât Weatherford, qui avait été l’âme de la résistance. Le chef indien se présenta lui-même au camp, demandant pour toute faveur qu’on épargnât les femmes et les enfans, qui étaient réfugiés dans les bois et qui étaient menacés d’y mourir de faim. Jackson le reçut dans sa tente avec les égards dus à son courage et à son malheur, il lui fit accepter les conditions de la paix et lui laissa la liberté. Weatherford se retira dans une petite plantation, où il vécut paisiblement jusqu’en 1836. Les clauses du traité étaient les suivantes : les Creeks abandonnaient aux États-Unis à titre d’indemnité de guerre un vaste territoire qui comprenait presque tout l’état actuel d’Alabama ; cet abandon, qui les forçait à se concentrer sur un territoire restreint, les éloignait des frontières du Tennessee, de la Géorgie et de la Floride, et ouvrait sur une vaste étendue un libre passage de l’ouest du Tennessee au golfe du Mexique. Ils s’engageaient à ne conserver aucune relation avec les villes et les garnisons espagnoles et à n’admettre chez eux d’autres agens ou d’autres commerçans que ceux qu’autoriseraient les États-Unis. Enfin ils reconnaissaient au gouvernement américain le droit d’ouvrir des routes et d’établir des postes militaires et des comptoirs dans le territoire qu’ils se réservaient. Ces stipulations furent définitivement consacrées par le traité de Fort-Jackson signé le 18 août 1814.

Ces résultats étaient considérables. C’était, non-seulement dans le présent, mais dans l’avenir, l’anéantissement de la puissance des Indiens, qui ne tentèrent plus désormais contre les États-Unis aucune démonstration sérieuse. Le territoire du Mississipi, jusqu’alors inhabitable pour les blancs, était pacifié. L’action commune combinée entre les généraux anglais et les chefs des tribus était frappée d’impuissance, et la milice, qui n’était plus nécessaire à la défense de la frontière des états, pouvait se porter sur tous les points que menacerait l’ennemi extérieur.

Jackson avait dirigé et terminé en huit mois cette laborieuse campagne. Il avait créé, organisé, discipliné et ravitaillé sa petite armée, et il l’avait conduite à la victoire. Au sortir d’une convalescence à peine terminée, épuisé par une maladie d’entrailles qui lui