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l’Amérique, et cette circonstance suffisait pour donner à sa possession une importance considérable.

Un corps de troupes anglaises commandé par un brave et aventureux officier, le colonel Nichols, venait déjà de faire une première tentative sur les bords du golfe. Il était débarqué à Pensacola, dans les possessions espagnoles de la Floride, et avait occupé, malgré les protestations plus ou moins sincères du gouverneur, cette ville, qui devait lui servir de base d’opérations. Nichols avait distribué des armes et des munitions aux Indiens, et avait adressé aux habitans de la Louisiane une proclamation dans laquelle il les exhortait à secouer le joug des États-Unis. Jackson accourut aussitôt, se dirigea sur Mobile, dont il s’assura, chassa les Anglais de Pensacola, y installa une garnison et partit pour la Nouvelle-Orléans, où il arriva le 1er décembre suivant.

La capitale de la Louisiane est située sur une langue étroite de terre que bornent d’un côté les lacs formés par le Mississipi et de l’autre d’immenses terrains marécageux déposés par les eaux du fleuve. Mais en dehors de ces défenses naturelles, elle n’était alors protégée par aucun ouvrage d’art, elle était dépourvue de troupes, et les dispositions mêmes de la population pouvaient inspirer quelque inquiétude, à raison des divisions qui existaient dans son sein et de la diversité des élémens dont elle se composait. La majorité était formée de créoles français amis du luxe et des plaisirs ; on y comptait également un certain nombre d’Espagnols, et beaucoup d’Américains généralement énergiques et résolus, mais parmi lesquels on eût pu signaler, plus d’un aventurier hardi forcé pour des motifs peu avouables de quitter son pays d’origine. Les haines politiques s’ajoutaient aux antipathies de races, et le gouverneur Claiborne, dont l’ardent patriotisme ne négligeait rien pour assurer la défense de la ville, était en lutte ouverte avec la législature de l’état, qui se montrait infiniment moins disposée à la résistance.

Jackson avait été mis au courant des difficultés de la situation par un des habitans les plus distingués de la Nouvelle-Orléans qui avait été son collègue au congrès et qui devait être pour lui, dans la tâche qu’il allait entreprendre, un précieux collaborateur. Edward Livingston, qui fut sous le gouvernement de juillet ministre des États-Unis à Paris et membre de l’Institut de France, et dont M. Mignet a apprécié dans une de ses éloquentes notices la vie et les travaux[1], était originaire de New-York. Il avait débuté au barreau, y avait conquis une importante situation et avait été en 1794 élu membre de la chambre des représentai. Il avait pris place parmi les plus

  1. Notices historiques, t. Ier.