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couvent, dont tant de fêtes abrégeaient la monotonie et dont toutes les sévérités étaient adoucies par l’affection de ses tantes. On l’appelait en ce temps-là Mlle de Saint-Hérem pour la distinguer des abbesses, Mmes de Montmorin, et elle aima ce nom de Saint-Hérem jusqu’à la fin de sa vie. Le mari qui lui était donné était le fils d’un ami de son père, Christophe, marquis de Beaumont, premier baron de Périgord, brigadier des armées du roi, colonel du régiment d’infanterie de la Fère. Nous savons qu’avec M. de Montmorin, il avait été l’un des menins de Louis XVI. Deux enfans étaient nés de son union avec Marie-Claude de Baynac : l’une, Marie-Elisabeth, qui mourut célibataire ; l’autre Christophe-Arnaud-Paul-Alexandre, marquis d’Auty, enseigne aux gardes françaises.

Ce second enfant, celui qui épousait Pauline de Montmorin, était né le 25 décembre 1770 ; il avait été tenu sur les fonts de baptême à Saint-Sulpice par Arnaud-Louis-Simon de Lostanges, sénéchal de Quercy, et par Marie-Elisabeth-Charlotte Galuci de L’Hôpital, dame d’honneur de Mme Adélaïde de France. Sans instruction et sans goût d’esprit, d’un caractère faible et violent, il eût peut-être dans des temps calmes fait une carrière dans l’armée, grâce à son nom et à ses alliances ; appelé à vivre dans les temps d’orage à côté d’une femme supérieure et vaillante de cœur, il ne pouvait la comprendre, et il ne l’aima pas. C’était un enfant, et elle ne put l’élever. Le 27 septembre 1786, la Gazette de France annonce que leurs majestés et la famille royale ont signé le contrat de mariage du comte Christophe-François de Beaumont avec demoiselle Marie-Michelle-Frédérique-Ulrique de Montmorin, fille du comte de Montmorin, commandant pour le roi en Bretagne. Mais la grande affaire pour la femme était la présentation à la cour ; elle avait presque autant d’importance que le mariage. Le 4 octobre, la Gazette nous apprend que la comtesse de Beaumont a eu l’honneur d’être présentée à leurs majestés. Tout est donc pour le mieux aux yeux du monde ; mais le bonheur ne vint pas. Au bout de peu de mois, la vie commune devint tellement insupportable que le comte de Beaumont retournait chez ses parens. Il revint lorsque M. de Montmorin était ministre des affaires étrangères. Mais la jeune femme avait développé ses facultés au contact des hommes distingués dont elle avait fait sa société ; les instincts grossiers et l’inintelligence de son jeune mari la révoltèrent ; et M. de Montmorin, si nous en croyons un document émanant de M. de Beaumont lui-même, fut dans la nécessité de le menacer d’une lettrée de cachet.

Cette fois la rupture fut définitive ; le comte de Beaumont ne s’intéressa à aucune des terribles péripéties, qui, s’échelonnant comme autant de stations douloureuses, laissèrent, en 1794, sa femme seule au monde et momentanément sans ressources. Nous