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qu’on demande avec raison, à la gymnastique grammaticale dirigée par une science éclairée. Pourquoi nous être laissé devancer par l’Allemagne dans ces belles études qui importent tant à la bonne direction de l’intelligence, qui nous intéressent si directement, que les savans étrangers ne peuvent conduire avec succès qu’avec le secours des documens français, et pour lesquelles nous ne manquions pas, l’expérience l’a prouvé, de bons esprits critiques ? Pourquoi l’Allemagne a-t-elle depuis si longtemps dans ses universités des chaires nombreuses où l’on explique le vieux français, quand, aujourd’hui encore, nous commençons à peine à en compter quelques-unes dans nos facultés ? Pourquoi n’est-ce que d’hier qu’on s’efforce de donner dans nos écoles de tous les degrés un enseignement de la langue française vraiment logique, et raisonné ; conforme aux lois de la linguistique et de. la raison, accessible à tous, et fort opposé à la stérile et irritante sécheresse de formules incompréhensibles qu’on ne discute pas et qui s’imposent ? Les règles qu’on présente aux enfans doivent être simples, mais non pas mécaniques ; leur mémoire ne retient sûrement que ce dont leur esprit s’est rendu compte. « Je ne veux pas, disait déjà Burnouf, qu’on étale devant des commerçans les curiosités de la science ; mais je veux qu’on leur en découvre les principes. » Le maître qui aura étudié avec une sévère critique les littératures et les langues romanes, sera précisément l’homme pour développer ces principes et en montrer l’application durable jusque dans les idiomes pratiqués dans notre temps.

Frédéric Dietz a donné depuis 1836, disions-nous, le signal de ces utiles travaux ; ses nombreux élèves développent et appliquent ses maximes dans les universités allemandes. L’Italie a toute une école de romanisans renommés : MM. Ascoli, d’Ancona, Fia Rajna, Caix, Bartoli, Monaci. La France a quelques maîtres, MM. Gaston Paris, Paul Meyer et Darmesteter, auxquels les disciples, ne maar ment pas, et parmi eux comptent déjà plus d’un des membres de l’Ecole française de Rome.

M. Antoine Thomas est l’un d’eux. Dans un premier travail[1], il a fait connaître pour la première fois plusieurs de ces compositions franco-italiennes qu’a enfantées au moyen âge la poésie épique des trouvères français, transportée et imitée dans l’Italie du Nord ; on n’en possédait jusqu’à présent, nous l’avons dit, qu’un fort petit nombre. Dans une autre étude, aujourd’hui sous presse, et concernant Francesco da Barberino, poète italien contemporain de Dante, il apporte un jour nouveau sur la diffusion de la langue et de la

  1. L’Entrée de Spagne, fascicule 25 de la Bibliothèque des Écoles françaises d’Athènes et de Rome.