sur les congrégations jusqu’à la suppression des traitemens ecclésiastiques et à l’expulsion des aumôniers. Il a mis du moins la plus habile prudence à éviter tout ce qui aurait pu précipiter une rupture, — et les protestations et les manifestations de consistoire et les actes trop bruyans de diplomatie. Il s’est défendu de toute irritation, de toute récrimination même avec des ministres des cultes qui ne respectaient pas toujours en lui le pontife d’une grande religion. Il a opposé à tout une dignité tranquille. Il a d’autant plus d’autorité, — l’autorité de la modération poussée à bout, — le jour où il se sent obligé de sortir de la réserve qu’il s’était imposée jusqu’ici par amitié pour la France.
Il n’y a que quelques semaines, le pape avait chargé M. le cardinal Lavigerie d’une mission qui paraissait avoir fait quelque impression, puisque c’est à la suite de cette mission que M. le président du conseil et M. le garde des sceaux s’étaient empressés d’aller défendre le concordat devant les commissions de la chambre. Aujourd’hui c’est Léon XIII lui-même qui croit de voir intervenir d’une manière plus pressante par une lettre particulière adressée à M. le président de la république. Et qu’on ne parle pas de règles constitutionnelles, de rubriques diplomatiques. Léon XIII a mis en cela le tact et la discrétion qu’il met dans toute sa conduite. Encore une fois, il a voulu éviter l’éclat d’une communication de gouvernement à gouvernement. Que dit le pape à M. Jules Grévy ? On peut aisément le pressentir sans le savoir : il se plaint, avec sa douce fermeté, de tous ces actes, de toutes ces lois, de toutes ces propositions qui, depuis trois ans, atteignent sans cesse ou menacent l’église dans son ministère, dans son existence, dans sa dignité, dans son recrutement. Il ne menace pas, il résume et précise une situation. Il n’est pas moins évident, et c’est ce qui fait la gravité de cette démarche, que la lettre à M. le président de la république est comme un dernier avertissement marquant la limite de la patience du souverain pontife. Léon XIII n’a sûrement pas l’intention de dénoncer le concordat, comme on s’est plu à le dire ; c’est, au contraire, avec le concordat, ce grand acte qui a donné quatre-vingts ans de paix religieuse à la France, qu’il peut avoir victorieusement raison devant le monde. Ce serait un misérable aveuglement de méconnaître l’importance, les conséquences qu’une rupture avec le saint-siège pourrait avoir dans les conditions intérieures de la France ; mais c’est encore plus peut-être au point de vue extérieur que ces incidens prennent de la gravité.
Chose étrange et faite pour frapper tous les esprits clairvoyans ! la France, à l’heure qu’il est, se trouve dans une position pour le moins délicate. Elle a des relations assez difficiles avec l’Angleterre ; elle est cernée en Europe par la triple alliance. Elle aurait pu trouver encore une certaine force, même une force de diplomatie et d’influence dans l’amitié d’un pape d’une modération supérieure, — et