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comité diplomatique avait, du reste, singulièrement affaibli l’initiative ministérielle, en attendant qu’il la supprimât. Les dépêches relatives au différend de l’Espagne et de l’Angleterre lui avaient été renvoyées ; et pendant que les constitutionnels luttaient en petit nombre pour essayer de faire régner un monarque sur un pays révolutionnaire, pendant que l’influence du ministre était à chaque instant battue en brèche, la convention de l’Escurial du 28 octobre 1790 mettait fin aux difficultés sans notre participation.

Il y eut pourtant une circonstance où Montmorin, pouvant agir isolément, avait démontré son habileté. L’ambassadeur des Provinces-Unies réclamait le reliquat des quatre millions et demi que la cour de Versailles s’était engagée à payer en vertu du traité de Fontainebleau du 10 novembre 1785. Montmorin se défendit contre cette réclamation. Il rappela les bons offices du roi auprès de l’empereur ; il ajouta que la Hollande ayant contracté depuis une nouvelle alliance avec l’Angleterre sans notre adhésion, la France était dégagée de ses promesses. Les derniers paiemens ne furent pas acquittés.

Il n’y avait pas de satisfaction à espérer pour Montmorin dans la situation critique qui se dessinait à tous les yeux. Louis XVI l’aimait et pourtant ne se livrait pas à lui ; sa bonté n’avait rien d’expansif. La reine ne pardonnait pas à l’ancien menin son intimité avec Necker et La Fayette. D’autre part, l’esprit vulgaire d’envie et de haine s’irritait avec acharnement contre l’ombre du pouvoir qui restait au ministre. « Baptiste Montmorin a pris le rôle de la bêtise, écrivait Camille Desmoulins. O bon monsieur Capet, quel choix vous avez fait dans votre sagesse[1] ! » Malgré les dégoûts qui lui montaient souvent au cœur et dont nous trouvons la trace dans ses confidences, Montmorin croyait encore au plan politique de La Fayette.

Quinze mois après son retour triomphal, Necker venait de donner sa démission sans que personne songeât à le retenir. Il n’y avait pas d’homme plus usé. La situation de ses collègues du ministère n’était plus tenable. La Fayette était intervenu auprès du roi ; il lui avait nettement dit que le comte de Montmorin étant connu pour son attachement à la constitution, ne pas mettre de prix à son maintien aux affaires étrangères était un acte d’hostilité personnelle ; que le seul moyen de durer était que le roi, Montmorin et lui eussent une confiance entière réciproque. La reine résistait, aigrie par une pareille recommandation. Montmorin avait en ce moment, auprès de l’assemblée, une dernière lueur d’influence. Il tenait d’ailleurs, grâce aux fonds secrets, les mille liens des négociations avec plus d’un meneur bruyant et vénal. Sa démission ne fut donc point acceptée. MM. de Fleurieu, du Portail, La Tour du Pin et Duport du

  1. Révolutions de France et de Brabant, t. III, n° 36.