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déclarations est singulièrement altérée par d’invisibles réticences, et il y a, dans ce jeu de la politique, un perpétuel dessous de cartes. L’histoire peut donc tirer profit des révélations ou des explications posthumes qui se rencontrent dans la correspondance de Wellington, de Palmerston, de Peel ou de Disraeli, et encore ces grands acteurs, même dans l’abandon de leurs entretiens familiers, n’oublient-ils pas qu’ils sont toujours en scène, que leurs moindres billets seront recueillis et qu’en écrivant à un ami, ils expédient des dépêches d’outre-tombe. Cobden n’avait point à compter avec de tels soucis pour sa renommée. M. John Morley n’a puisé dans sa correspondance que la confirmation éclatante, absolument sincère, des opinions politiques et des projets de réforme sociale au triomphe desquels il s’était dévoué. Il n’y a donc rien d’inconnu, rien d’imprévu dans cette vie, si remplie et si ouverte, qui a touché à tous les événemens et qui s’est toujours passée en plein air, sans dévier un seul moment dans les roueries de la politique ni dans les intrigues des cabinets ou des chancelleries. Ce qui en fait l’originalité et le rare mérite, c’est qu’elle nous montre un simple citoyen, presque un plébéien, luttant avec succès contre l’aristocratie anglaise, réformant les lois de son pays, et créant, rien que par la parole, un corps de doctrines politiques, économiques et sociales qui, gagnant de proche en proche, sont destinées à modifier profondément les chartes et les codes du monde moderne.


I

Richard Cobden naquit, le 3 juin 1804, au domaine de Dunford, dépendant, du bourg de Midhurst dans le comté de West-Sussex. En consultant les archives du comté, les fureteurs de parchemins ont découvert qu’en 1314 un député du nom d’Adam de Coppdene, fut envoyé au parlement par le bourg de Chichester, et que, depuis le XVe siècle, plusieurs membres ! d’une famille Cobden ont marqué dans les divers incident de l’histoire locale. On sait avec quel soin les Anglais s’occupent des origines de leurs grands hommes ; mais il n’est pas nécessaire de remonter jusqu’au XIVe siècle ni d’évoquer le premier Coppdene ou Cobden, qui portait l’antique prénom d’Adam, pour faire à Richard Cobden une généalogie dont il ne paraît pas s’être jamais soucié. Il était tout simplement d’une bonne famille rurale et bourgeoise. Son grand-père exploitait le domaine de Dunford ; son père, après avoir cédé ce domaine, prit une petite ferme aux environs de Midhurst ; il y perdit ce qui lui restait d’un modeste héritage, fut obligé de la vendre en 1814 et se retira à Westmeon dans le Hampshire, avec sa femme et douze enfans. Des parens