économistes, et, mieux encore, dans les pensers nouveaux de ces « masses profondes » qui du Mont-Aventin descendent vers le forum. Pour ce qui intéresse particulièrement l’Angleterre, les réformes projetées par Cobden sont, en vérité, saines, logiques, conformes aux sentimens et aux intérêts contemporains, et, si lentes qu’elles soient à franchir les obstacles, elles arriveront au but. Pour ce qui est d’ordre général et international, à savoir l’arbitrage, la non-intervention, la réduction des dépenses, impôts et emprunts de guerre, les doctrines de l’école de Manchester sortent de plus en plus de la région des rêves, elles finiront par s’imposer aux gouvernemens de par la volonté des peuples, car elles s’accordent avec les doctrines philosophiques et politiques de la démocratie.
Le mot démocratie, presque inusité en Angleterre il y a trente ans, apparaît dans les premiers écrits de Cobden, qui l’a fréquemment employé par la suite : mais, dans l’esprit de l’agitateur anglais, ce terme n’avait pas le sens que nous lui donnons en France. Il signifiait, non pas la souveraineté du nombre, encore moins la république, mais le gouvernement au profit du plus grand nombre, quelle que soit la constitution politique. Sans reculer devant le suffrage universel, Cobden ne croyait pas commettre une injustice sociale en désirant que cette grande mesure, cette redoutable aventure (il parlait pour son pays) fût précédée d’une période de préparation pendant laquelle le peuple aurait acquis l’instruction nécessaire. En tous cas, s’il admettait une distinction temporaire, quant à l’exercice du droit de vote, il jugeait imprudent d’insister devant les assemblées populaires sur une distinction entre divers groupes sociaux. « Je remarque, écrivait-il à M. Bright, le 16 décembre 1859, qu’il y a dans vos discours une sorte de tendance à plaider la cause de la classe des travailleurs comme si ces derniers formaient un groupe à part. Eh bien ! tenez ceci pour certain, toutes les fois que la question est posée de la sorte, la classe moyenne se range instinctivement avec ceux qui sont au-dessus d’elle, afin d’éviter un danger commun… C’est pourquoi, dans les discussions relatives aux impôts, je me suis toujours gardé de parler spécialement de la classe des travailleurs,.. vous avez l’air de vouloir la prendre trop exclusivement sous votre protection. » La démocratie, telle que l’entendait Cobden, comprend tous les citoyens, elle n’exclut personne, et elle ne veut pas que sur les ruines des anciens privilèges s’élèvent des privilèges nouveaux.
Ce qui caractérise le programme économique et politique de Cobden, c’est qu’il fait une très grande part, la première en apparence, aux questions de bien-être et d’enrichissement, à ce qu’on appelle les intérêts matériels. De là le reproche de matérialisme auquel il s’est exposé. En outre, comme il est impossible de toucher à ces