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parabole évangélique ? L’art a ses règles et ses lois, qui sont indépendantes des pensées qu’il traduit. C’est une langue universelle dont les chrétiens se servirent comme les autres sans lui demander aucun sacrifice incompatible avec sa nature. Ils employèrent ses formes comme ils se servirent des lettres en usage pour graver leurs épitaphes. Tous les peintres qui ont décoré les chambres intérieures des catacombes étaient sans doute des chrétiens. Mais Tertullien reprochait à plusieurs fidèles de son temps de ne pas se faire scrupule de travailler pour la décoration des édifices et des temples païens. Il y a eu aussi dans les premiers temps de l’église des médecins chrétiens. On en signale dans les catacombes, et les Actes des martyrs nous fournissent les noms et nous racontent les aventures plus qu’à demi légendaires de quelques-uns d’entre eux, comme Alexandre, Papylos et Tryphon. Est-ce dire qu’il y eût une médecine proprement chrétienne ? Il n’y a pas davantage d’art chrétien à cette époque, à moins qu’on ne fasse consister exclusivement l’art dans le choix du sujet, et encore n’est-ce souvent que par des tours de force d’interprétation symbolique qu’on est parvenu à christianiser plusieurs des scènes et des fresques que l’on rencontre aux catacombes.

Au temps où la main est légère et sûre, où les artistes n’ont pas encore désappris l’aisance, la grâce des attitudes et le naturel facile dans la représentation des figures vivantes, au temps où l’on sait dessiner, garder l’harmonie, la souplesse et les justes proportions des formes, et grouper des personnages, on s’en aperçoit aux catacombes comme ailleurs. Le bon style y est un témoignage certain d’antiquité. Quand la décadence de l’art a commencé partout, elle est frappante là aussi. Je n’entends pas que ce soit la même chose de regarder les peintures trouvées au Palatin ou à Pompéi, et celles des cimetières souterrains de Rome chrétienne. La loi d’accommodation du pinceau ou du ciseau aux conditions des lieux, des sujets à rendre ou des idées à traduire, change bien les choses. Le nu est rare dans les catacombes. Il n’est pas sans exemple pourtant. Daniel est d’ordinaire nu entre ses deux lions, Jonas repose nu sous le calebassier, et Adam et Eve sont représentés nus ou peu s’en faut sur les sarcophages. Mais le nu ici est toujours chaste. Les ténèbres du séjour des morts chrétiens pouvaient être consolées, si je puis dire, par l’expression des espérances d’immortalité heureuse qui avaient rempli les cœurs de ceux qui y reposaient et remplissaient les cœurs des frères survivans. L’attente de la vie à venir, les divines promesses sous les diverses formes si plastiques qu’elles avaient revêtues dans la bouche du bon maître ont donné lieu à des scènes qui, comme on sait, n’ont rien de triste. Les plus