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des saintes Perpétue et Félicité, dont M. Roller paraît faire trop peu de cas, le verbe refrigerare se rencontre cinq ou six fois soit dans le sens de bien-être terrestre, d’exemption d’angoisses, ou d’allégresse et de bonheur divin. C’est ainsi qu’après la prière qu’elle a adressée pour son frère, Perpétue (dans une vision) le vit mundo corpore, bene vestitum et refrigerantem : le corps net et pur, bien vêtu et plein d’allégresse. « Je compris, dit-elle, qu’il avait passé des ténèbres et de la peine au bonheur et à la joie. »

Je ne suivrai pas aussi volontiers M. Roller quand il soutient que le culte des saints n’apparaît que très tardivement dans les catacombes. Le respect religieux dont témoignent maintes formules épigraphiques est déjà assez difficile à distinguer du culte. Mais l’invocation des morts et des saints et la foi dans leur intercession sont manifestes dans plusieurs épitaphes très explicites. Par exemple, dans un marbre qui porte en tête : SOMNO HETERNALI, formule presque unique dans les catacombes, gravée sans doute sur une pierre préparée pour une tombe païenne et utilisée par les fidèles, on lit : PETE PRO PARENTES TVOS ; sur une autre : IANVARIA BENE REFRIGERA ET PETE PRO NOS. Sur d’autres marbres, la martyre Blasilla est invoquée et priée d’intercéder pour des défunts. La croyance au pouvoir des saints d’intercéder soit pour les morts, soit pour les vivans, résulte aussi d’autres faits mentionnés par M. Roller. Origène, dans son Exhortation au martyre, écrite vers l’an 236, témoigne de cette croyance. M. Roller écrit que jamais les adversaires des chrétiens, dans les trois premiers siècles, ne les ont accusés de rendre un culte à un homme mort (sauf à Jésus). Cependant, dans la lettre de l’église de Smyrne qui raconte le martyre de Polycarpe, on lit qu’après le supplice de celui-ci les juifs insistèrent pour que ses restes fussent détruits, insinuant que, si on les rendait aux chrétiens, ils lui adresseraient des prières. Et au commencement de la persécution de Dioclétien, l’historien Eusèbe raconte que, les corps des jeunes chambellans chrétiens de la maison de l’empereur ayant été ensevelie convenablement après leur martyre, leurs maîtres firent déterrer et jeter leurs restes dans la mer, de peur que, dans la suite, on ne s’avisât de les adorer comme des dieux[1]. Il paraît bien malaisé, à moins d’avoir, pour fixer la date précise des inscriptions funéraires des catacombes, des lumières qui font généralement défaut, quand la mention des consuls en est absente, de marquer avec exactitude à quel moment, en quelle année, une vague tendance a pris corps et s’est exprimée en formules. L’expression Pete pro nobis, si précise en sa concision, on

  1. Eusèbe, Hist. ecclés., VIII, 6.