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calorification intérieure en se nourrissant très peu ; mais aussi il manque d’énergie, et sa capacité de travail est extrêmement faible. Le travail assidu exige une plus grande quantité d’alimens, et il en résulte en même temps un excès de chaleur nuisible, car l’organisme ne peut convertir en travail mécanique qu’environ 25 pour 100 du surcroît de chaleur qu’il produit en exerçant un effort soutenu. Il ne faut donc pas chercher à produire moins de chaleur, mais à nous débarrasser de celle qui est produite.

Comme réfrigérant, l’eau est bien plus efficace que l’air, à cause de sa conductibilité beaucoup plus grande : à température égale, un bain d’eau nous rafraîchit plus qu’un bain d’air ; mais les bains sont un moyen d’un usage nécessairement limité. L’important serait d’abaisser la température de l’air qui arrive au contact du corps.

Le problème général de la réfrigération en pays chauds, qui est en quelque manière le problème du chauffage retourné, a été étudié à fond par M. H. Dessoliers dans un livre récent où l’on trouve développées toutes les solutions qu’il comporte[1]. Nous y reviendrons plus loin en parlant de la ventilation. Pour le moment, nous n’avons en vue que les moyens naturels par lesquels le corps se débarrasse d’un excès de chaleur, et il nous reste à considérer l’évaporation pulmonaire et cutanée. Sous les tropiques, quand le thermomètre marque plus de 37 degrés à l’ombre, le corps ne peut plus se refroidir ni par contact ni par rayonnement ; il ne reste à la chaleur nuisible qu’une seule voie par où elle puisse s’écouler : il faut qu’elle soit dépensée à vaporiser l’eau que la transpiration amène à la peau et à la muqueuse de l’appareil respiratoire.

La quantité d’eau exhalée par les poumons est, en règle générale, la moitié de celle qui est excrétée par la peau ; à l’état de repos, le corps perd en 24 heures respectivement 300 grammes et 600 grammes par ces deux voies, en tout 900 grammes d’eau qui se transforment en vapeur ; mais ces quantités peuvent être doublées et triplées lorsque, sous l’influence d’un excès de chaleur intérieure, la transpiration ouvre ses écluses. Or la vaporisation d’un kilogramme d’eau à 37 degrés absorbe 580 calories ; la transpiration nous enlève, par conséquent, au moins 500 calories en 24 heures, c’est-à-dire une quantité de chaleur qui suffirait pour faire bouillir 5 litres d’eau. La vapeur qui se dégage ainsi se répand dans l’air ambiant, qui l’absorbe avec d’autant plus de facilité qu’il est plus sec, c’est-à-dire plus éloigné de son point de saturation. En effet, pour une température donnée, il existe toujours une limite

  1. De l’Habitation dans les pays chauds. Contribution à l’art de l’acclimatation, par M. H. Dessoliers. Alger, 1882 (Paris, Baudry).