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ce que, moins bon conducteur, hérissé de plus d’aspérités, le coton irrite davantage la peau, examinées au microscope, les fibres du coton paraissent anguleuses et raides, celles du lin sont rondes et lisses. Le coton ne convient pas dans les affections cutanées, mais, dans ce cas, la laine, plus tomenteuse et plus chaude, serait encore plus nuisible. « C’est cela seul, dit M. Bouchardat, qui doit avoir donné lieu au préjugé répandu, et c’est là aussi le seul cas où toute autre matière, que le chanvre et le lin bien lavés, bien fins et bien usés, ne peut être que nuisible. Hors ce cas, le tissu de coton a sur la toile l’avantage d’être plus chaud en hiver et pendant l’été de ne point exposer le corps aux dangers d’un refroidissement trop rapide. Le coton doit être employé de préférence au chanvre et au lin par les habitans des pays froids et humides. » La laine est encore plus irritante que le coton, grâce à la raideur des poils dont elle est hérissée ; mais l’excitation qu’elle produit, lorsqu’on peut la supporter, devient un moyen thérapeutique toutes les fois que la peau a besoin d’un stimulant. Malheureusement l’usage de la laine sur la peau peut devenir la source des infirmités pour la guérison desquelles il est indiqué, lorsqu’une éducation trop douillette nous en fait contracter l’habitude trop tôt et sans motifs. Il en résulte facilement une prédisposition fâcheuse aux rhumes, aux rhumatismes, aux névralgies et, l’habitude une fois prise, on ne peut sans danger y renoncer. Mais l’usage de la laine est précieux dans certains pays et dans certaines conditions de vie.

Un écrivain connu par ses recherches sur la malaria, le professeur Brocohi, attribue à l’habitude de porter des vêtemens de grosse laine la belle santé et la vigueur des anciens Romains : dès qu’ils commencent à les abandonner pour se vêtir d’étoiles plus légères et notamment de tissus de soie, ils deviennent moins vigoureux et ne résistent plus aussi bien à l’influence morbide du mauvais air. C’est l’époque où les femmes portent des étoffes si fines qu’on les appelle vent tissé, ventus textilis, nuage de lin, nebula linea. C’est aussi l’époque où l’on commence à se plaindre de l’insalubrité de l’air de Rome. M. le docteur Balestra, dans son intéressante étude sur l’Hygiène dans la ville de Rome et la Campagne romaine, n’est pas éloigné de reconnaître qu’il y ait dans ces vues une part de vérité, quoiqu’en somme l’insalubrité croissante du climat de Rome s’explique par l’abandon de la culture, et que le changement général de la manière de vivre rende suffisamment compte de l’affaiblissement physique des générations. En tout cas, le vêtement de laine doit être considéré comme un excellent préservatif dans les contrées infectées de malaria. « Dans l’armée et la marine anglaises, dit M. Balestra, on oblige les soldats qui sont en garnison dans des lieux malsains, à porter constamment de la laine sur la peau et à