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l’idée de construire une maison modèle avec de gros blocs de scorie soigneusement équarris, en réduisant à un minimum le mortier, regardé comme une cause d’humidité. La bâtisse avait belle apparence, elle sécha très vite ; mais, à peine installés, les habitans virent paraître des taches sur les murs, et la maison en question est restée la plus humide de toute la cité ouvrière.

Il faut aussi se défier des novateurs inconsidérés qui rêvent de substituer le fer et le zinc à la pierre et au bois employés par nos pères. On supprimerait ainsi cette transpiration insensible des murs, si importante pour nous débarrasser de l’humidité. Quelques Américains, entre autres M. Mayo, ont proposé de construire avec des plaques de fer galvanisé des habitations d’une forme spéciale, sortes de cloches à plongeur qui permettraient de séjourner au sein de la malaria : elles seraient ventilées par un courant d’air artificiel lancé par une machine et filtré à travers une toile ou une couche épaisse de coton et de charbon. — On a aussi imaginé des maisons de fer pour les pays sujets aux tremblemens de terre. En 1875, une maison de ce genre, sortie des ateliers de MM. Cockerill, de Seraing, a été expédiée au Chili. Elle se composait de plaques de fonte maintenues par des poutrelles de fer à coulisses, solidement boulonnées. Mais il s’est trouvé que le métal s’échauffait outre mesure sous l’action du soleil ; l’air du dehors pénétrait par tous les joints ; enfin « cette cage métallique, d’une sonorité fort gênante, ne semblait pouvoir convenir qu’à des sourds de naissance[1]. » Je ne sais s’il a été possible de venir à bout de ces inconvéniens. En bouchant les jointures, on arrêterait évidemment d’une manière trop complète la ventilation spontanée.

L’humidité que les murs reçoivent de l’atmosphère extérieure, par les temps de brouillard et de pluie, disparaît d’ordinaire assez vite sous le souffle des vents qui lèchent incessamment la surface des habitations. Au contraire, l’humidité qui vient de l’intérieur, qui se dépose sur les murs des chambres mal aérées, s’en va difficilement quand les murs ne sont pas poreux ; le chauffage même ne fait que la déplacer ; elle quitte les surfaces dont la température s’est élevée pour se fixer plus loin. L’inconvénient est surtout sensible dans les maisons de construction récente, dont le mortier contient encore une forte proportion d’eau, et dans les rez-de-chaussée bâtis sur un sol humide, qui s’imprègnent d’eau par capillarité. Cette eau bouche les canaux invisibles où l’air devrait circuler, et la muraille reste humide nonobstant l’évaporation qui a lieu à la surface, et au grand détriment des habitans. On sait combien il est malsain « d’essuyer les plâtres » d’une maison fraîchement bâtie. Comme les

  1. Chili, par le comte Eugène de Robiane. Paris, 1882.