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mérique, de périlleux dans une telle entreprise. Maintenant les travaux sont commencés sur bien des points. On ne peut évidemment les interrompre d’une manière complète et soudaine ; ce serait perdre le fruit de ce qui a été déjà fait et aggraver l’imprévoyance de la conception première de tant de dépenses mal calculées, par l’abandon ruineux de tous ces travaux. La suspension n’est donc pas une solution ; mais, pour continuer dans la mesure du possible, avec les tempéramens nécessaires, ce qui a été commencé, quel moyen reste-t-il ? On ne peut certainement compter sur le crédit et se flatter de prolonger indéfiniment le régime des emprunts périodiques au moment où le déficit est dans le budget, où une crise économique et industrielle singulièrement compliquée pèse sur l’essor de toutes les ressources publiques. Ce qui est bien plus impossible encore, c’est de songer à échapper aux difficultés qu’on s’est préparées en se jetant dans une aventure bien autrement périlleuse, bien autrement compromettante pour les finances comme pour tous les intérêts, — celle du rachat, de la main-mise de l’état sur tout cet ensemble d’entreprises que l’industrie a créées. Il y a bien des raisons pour que cette combinaison caressée par les esprits chimériques ne puisse pas même se produire sérieusement aujourd’hui. La première, c’est que la France est déjà chargée d’une dette colossale, et qu’aggraver encore cette dette de 8 ou 10 milliards, ce serait enchaîner la liberté de l’avenir, paralyser d’avance le crédit national dans les crises toujours possibles où l’on pourrait avoir à s’en servir. La seconde raison, c’est le gouvernement lui-même qui la donne avec son expérience d’un réseau d’état, d’une administration d’état. Cette expérience, elle n’est point, en vérité, assez brillante pour qu’on soit tenté de désirer l’extension d’un régime qui coûte plus qu’il ne vaut.

Ce qu’on a fait était donc ce qu’il y avait de mieux à faire ; on n’était pas libre d’agir autrement. Les compagnies trouvent assurément leurs avantages dans les conventions ; elles y gagnent surtout de conquérir, au prix de sérieuses concessions, un peu de tranquillité, d’être pour quelque temps à l’abri de ces menaces incessantes qui pouvaient peser sur leurs entreprises, sur leur crédit. L’état, lui aussi, a ses avantages, il n’a pas laissé de profiter des circonstances pour faire ses conditions. Il y gagne d’abord d’assurer l’exécution de quelque 15,000 kilomètres de chemins de fer nouveaux, d’améliorer ses rapports avec les compagnies ; mais le point essentiel et tout à fait décisif en faveur des conventions, c’est qu’évidemment les finances publiques se trouvent ainsi quelque peu libérées et allégées. Il est certain que, si ces conventions n’étaient pas votées aujourd’hui, tout redeviendrait aussitôt singulièrement difficile, puisque M. le ministre des travaux publics vient de déclarer qu’il n’aurait plus aucun moyen d’établir un budget extraordinaire et que son successeur éventuel ne serait pas plus avancé que lui. Avec le vote des conventions et un peu de bonne volonté, on