favorable, M. Thiers, pour lui, hésitait, partagé entre ses sentimens personnels et des préoccupations de responsabilité. S’il n’eût écouté, il le déclarait lui-même, que ses affections et ses respects pour une famille qu’il avait servie, il n’aurait sûrement pas eu un doute. « Les princes d’Orléans, disait-il, savent que je n’ai pas attendu que la fortune leur sourît pour leur être fidèle. Au lendemain de leur proscription, quand toutes les haines étaient vivantes, je n’ai jamais laissé, au sein de l’assemblée constituante, prononcer devant moi leur nom sans le défendre. Quand ils étaient malheureux, je quittais mon pays pour aller partager leurs douleurs. Ils me pardonneront de ne pas toujours partager leur satisfaction et leur joie. Ce qui leur vaut le mieux, ce sont des amis qui leur restent dans les jours de malheur. De ces amis-là, j’en ai été, j’en serai toujours... » Il ne désavouait ni ses sentimens ni son passé; mais, en même temps, il prétendait qu’on vivait dans une trêve des partis où il fallait une extrême circonspection, qu’on avait avant tout besoin d’apaisement pour se libérer de l’étranger, et il se demandait si, dans ces conditions, il y avait de l’opportunité ou de la prudence à émouvoir les esprits par un acte qui pouvait être dénaturé ou exploité par les passions. Il ne déguisait pas ses doutes; pendant quelques jours, il refusait même de céder aux pressantes sollicitations de ses plus anciens et ses plus fidèles amis. Il finissait, il est vrai, par se rendre, soit qu’il vît, avec raison, dans le patriotisme et la loyauté des princes la meilleure des garanties, soit qu’il comprît que la résistance poussée jusqu’au bout n’empêcherait rien et allait conduire à une redoutable crise. Il ne croyait pas le moment venu de jouer une si grosse partie, mais il en avait dit assez pour que le désaccord fût visible et laissât de malheureuses traces.
Tantôt, à peine délivré de la question des princes, M. Thiers avait à se débattre contre des pétitions pour le pape, en faveur de l’indépendance de Rome, occupée par l’Italie pendant la guerre. Et lui, qui était pourtant peu suspect de faiblesse pour la révolution italienne, il croyait de son devoir de résister aux excitations, aux illusions d’une politique pleine de périls. Il refusait de se prêter à des démonstrations de majorité qui ne devaient servir à rien ou qui devaient conduire à une rupture avec l’Italie. Il voulait bien offrir des vœux, des sympathies au souverain pontife, au « prisonnier du Vatican, » il ne voulait pas se laisser lier par des manifestations compromettantes pour notre politique, pour nos relations avec le nouveau royaume ne au-delà des Alpes. — Un autre jour, entre toutes ces discussions, on voulait imposer au chef du pouvoir exécutif la dissolution générale, immédiate de toutes les gardes nationales de France, et M. Thiers se révoltait contre ces injonctions mêlées d’une certaine défiance : non pas qu’il se refusât à désarmer