radicales des vacances et à laquelle M. Thiers, ému dans sa dignité, dans sa susceptibilité si l’on veut, répondait avec une impétueuse hauteur. Tout semblait tendre à la guerre entre les pouvoirs, et peut-être l’irréparable rupture eût-elle éclaté dès ce moment si l’on n’avait eu fort à propos la sagesse de se dire qu’une crise pouvait compromettre la libération elle-même, que le message, après tout, ne mettait nullement en doute la souveraineté de l’assemblée, que M. Thiers était encore nécessaire. La réflexion avait fait son œuvre en quelques jours, et après des préliminaires de guerre la diplomatie reprenait ses droits. A la commission Kerdrel, qui résumait sa politique dans le mot de « gouvernement de combat, » qui proposait une loi de responsabilité ministérielle dont l’unique effet devait être d’interdire la tribune à M. Thiers, succédait une autre commission chargée, cette fois, de chercher une transaction, d’aborder les problèmes soulevés par le message, de préparer une loi sur les pouvoirs publics. C’était cette commission, un instant fameuse, qui s’est appelée la commission des « trente » et qui avec plus de modération ou d’habileté, avec des ménagemens étudiés, n’était encore malheureusement que la mandataire des ressentimens et des défiances de la majorité parlementaire à l’égard du président de la république.
Que voulait-on, que reprochait-on au chef du gouvernement dans cette commission des « trente, » qui se composait, certes, d’habiles politiques, dévoués à leur pays, et qui passait trois mois à ne rien faire ou à peu près? Il n’y avait sans doute que de bonnes intentions ; on se défendait de vouloir renverser le président, on évitait de disputer avec lui sur cette république qu’il proposait d’organiser sans la proclamer. On lui reprochait d’avoir trop abusé et d’abuser encore d’une prépotence personnelle qui pesait sur la liberté de l’assemblée, d’être à lui seul tout le gouvernement, et on voulait le lier, l’envelopper, surtout l’éloigner d’abord de cette arène parlementaire où il était accoutumé à gagner ses victoires.
Assurément, il pouvait y avoir quelque vérité dans tout ce qu’on disait. Il pouvait y avoir plus d’un inconvénient, même plus d’un danger pour le chef de l’état à être toujours prêt à payer de sa personne, à se jeter avec ses ardeurs, avec ses impatiences, dans toutes les mêlées, à s’exposer à tous les accidens de discussion. Rien de plus vrai; mais quoi! telle était la situation, que le président n’avait pas créée, qu’il avait subie ou acceptée. Le pays, en le désignant par ses votes avant l’assemblée elle-même, l’avait nommé pour son passé, pour ses dons personnels, pour son éloquence, pour les services qu’il pouvait rendre. Le pays ne l’avait pas élu pour s’effacer et pour se taire, pour se retirer dans une commode irresponsabilité ; il l’avait choisi pour agir, pour gouverner, pour parler, pour être un guide,