de laquelle elle reste en confiance ; l’occasion de pécher ne naîtra point pour elle. L’œuvre de chair est une œuvre maudite ; le diable est mâle ou femelle, selon qu’il apparaît aux femmes ou aux hommes. En réalité, il n’est qu’un instinct naturel, et on le combat par l’isolement. Dans les instituts de charité, sauf de très rares exceptions, dont la congrégation des Petites-Sœurs des Pauvres est le plus mémorable exemple, les hommes s’occupent des garçons, les femmes ne se consacrent qu’aux petites filles, et comme l’homme n’a pas la bienfaisance active et persistante de la femme, il en résulte qu’un des sexes est presque abandonné, tandis que l’autre est incessamment secouru. C’est un tort, car l’homme est aussi faillible, aussi vicieux que la femme; tous deux sont frappés de la tache originelle, c’est-à-dire de cette bestialité qui subsiste en nous, comme le mal héréditaire transmis par les ancêtres de la première heure. L’animal, le bipède luxurieux et féroce que nous avons été dans les temps préhistoriques, avant que Prométhée eût dérobé le feu du ciel, n’est point mort; les civilisations, les religions, les philosophies se sont efforcées de l’humaniser et n’ont pas complètement réussi : la bête est domptée plutôt qu’apprivoisée, souvent elle échappe au belluaire ; les tribunaux le démontrent tous les jours.
On dirait qu’en ceci la question de moralité, au sens étroit du mot, domine toutes les autres. Prendre la petite fille, la pénétrer de bons conseils, la revêtir de sagesse, lui enseigner le métier qui gagne honorablement le pain, c’est enlever des auxiliaires à la débauche, je le sais; mais saisir le petit garçon, le forger pour le combat de la vie, le détourner de l’improbité, lui mettre en main l’outil rémunérateur, c’est diminuer l’armée du crime. Qui peuple l’école dépeuple le bagne. De même que tout soldat a dans sa giberne un bâton de maréchal, de même tout enfant errant porte le bonnet vert dans son bagage. L’état a charge d’âmes, il ne paraît pas s’en douter; devant ce danger, il reste inerte ou se perd dans des logomachies vaines. L’auteur de l’enquête que j’ai déjà citée a pu dire sans commettre d’erreur : « Les maisons d’éducation correctionnelle et la prison sont encore, pour les garçons, le grand refuge ouvert par la société. » Aussi doit-on approuver, doit-on encourager par tous moyens les hommes qui réunissent autour d’eux les pauvres petits que la précocité du vice ou l’abandon a jetés, comme des chiens perdus, dans le désert de notre grande ville. C’est la foi qui les émeut et leur enjoint de courir après les déserteurs de la vie régulière pour les ramener dans le rang. Œuvre de charité, œuvre sociale, c’est tout un, il ne faut pas s’y tromper. Recueillir les vieillards, les abriter, les nourrir, les aider à saisir