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chargé de demander en faveur de Jean-François Gonzague la main d’Isabelle d’Este[1] ; et, un peu plus tard, le marquis de Mantoue lui-même, ainsi que le fils de ce dernier, qui allait chercher sa propre femme, fille de Sigismond Malatesta. Dans ces diverses circonstances, des fêtes somptueuses eurent lieu à Schifanoia, où la décoration des chambres et des salons offrait tout ce qui peut charmer les yeux, où la recherche de l’exquis était poussée jusqu’à ses dernières limites. Ici s’étalaient les riches étoffes, les cuirs dorés, les tapisseries de haute lice; là brillaient d’un doux éclat, dans les fresques des maîtres illustres, les compositions historiques qui rappelaient un passé récent, ou les allégories dont on admirait la subtilité. De toute cette magnificence il n’y a plus que des débris, des reliques, mais ces débris ne sont pas sans éloquence, et ces reliques ne laissent pas d’être instructives.

Deux des salles du premier étage possèdent encore des ornementations d’un goût à la fois somptueux et délicat. Dans l’une d’elles, le plafond de bois présente des caissons carrés. On y voit des rosaces or, blanc et rouge, avec des encadremens en saillie, couverts d’arabesques dorées. Le plafond de la pièce voisine a aussi des caissons, mais de formes diverses. Sur le vert foncé de ces caissons se détachent des dessins or et rouge, joints aux emblèmes de la maison d’Este. Le long des murs sont assises dans des niches les statues en stuc des Vertus théologales et cardinales. Enfin, sur une large frise, de nombreux enfans, également modelés en stuc, jouent de divers instrumens ou supportent des armoiries. Sous la direction de l’architecte Pietro Benvenuti, surnommé Pietro dagli Ordini pour avoir pris part à la construction du campanile de la cathédrale, Domenico Paris de Padoue, gendre de Baroncelli, surnommé Baroncelli dal Cavallo, exécuta, en 1467, les stucs et les boiseries de cette salle, tandis que Bongiovaimi di Geminiano Benzoni se chargeait des peintures.

Mais, si gracieuses que soient ces décorations, ce n’est pourtant pas là ce qui a valu au palais de Schifanoia sa célébrité. Il la doit aux fresques du vaste salon qui précède la salle des stucs. Ces fresques occupent une place importante dans l’histoire de l’art et ont exercé la sagacité des érudits, sans cesser d’être, sous plus d’un rapport, une énigme presque insoluble. Nous voudrions, en les interrogeant à notre tour, contribuer, s’il est possible, à élucider un peu les problèmes qu’elles soulèvent, ou tout au moins les faire connaître davantage et provoquer des travaux décisifs. Par la variété

  1. Elle n’avait alors que sept ans. Le mariage fut célébré en 1490. C’est cette princesse que Lorenzo Costa a glorifiée dans un tableau fameux qui se trouve au Louvre.