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du roy les occasions, et qu’il ne luy eût baisé la main ; ou autrement ce luy seroit un grand tort et deshonneur, et pour la seconde fois. » (Mémoires de Condé.) L’amiral vit le roi et la reine mère à Chailly ; il annonça l’intention de remplir sa charge près de leurs majestés, et le désir de demeurer à la cour pour répondre à toutes les accusations qui pourraient être portées contre lui. Il suivit ensuite le roi à Paris, qui était le fort des Guises. « Il faut confesser qu’il y entra avec aussi grand honneur, et notable compagnie de seigneurs et gentilshommes, dont aucuns volontairement le suivoient, les autres estant sortis au-devant de luy, que seigneur qui y soit arrivé depuis vingt ans, lesquels sieurs de Guise se monstrans au contraire si estonnez, sans grande occasion, qu’aussitost qu’ils le sentirent approcher, ils broussèrent bagage en diligence et deslogèrent tous du Louvre et des environs pour s’aller retirer en l’hostel de Guise, où ils faisoient ordinairement guet et sentinelle[1]. » Catherine de Médicis, qui voulait contenir les Guises et les Châtillon les uns par les autres, ne trouva rien de mieux que d’ajourner à trois ans la décision du conflit qui les séparait. Les Guises mécontens s’éloignèrent de la cour, et Coligny retourna à Châtillon dans les derniers jours de janvier 1564.

Il parut huit jours seulement à Fontainebleau au mois de mars ; il avait à remplir une ingrate besogne, qui consistait à relever les infractions commises en cent lieux contre l’édit d’Amboise ; il plaidait des causes presque toujours perdues d’avance : les parlemens, les gouverneurs, les magistrats et officiers de tout rang étaient presque partout hostiles aux églises.

Coligny quitta encore une fois Châtillon, au mois de janvier 1565, à l’appel de son cousin François de Montmorency. Le cardinal de Lorraine, revenu du concile de Trente, était entré à Paris avec une nombreuse troupe de gens portant « armes défendues, » malgré la défense de Montmorency ; celui-ci avait dû faire désarmer la garde du cardinal, qui s’était retiré à son hôtel de Cluny, puis à Meudon et en Champagne. Son frère le duc d’Aumale continuait à parcourir les environs de Paris avec des gens armés. Montmorency appela Coligny, qui arriva le 22 janvier à Paris avec trois cents cavaliers. Un conseil fut convoqué, où Coligny porta la parole devant Christophe de Thou, Pierre Séguier, Hailay et quelques autres. Il protesta contre toute intention de vouloir se saisir de Paris : « Quant à moy, dit-il, je n’ay point de prétention au royaume, n’y a aucune de ses parties, et, sy je l’avois, j’estime que, depuis cinq cents ans, personne de la noblesse française n’a eu tant de moyens que moy

  1. Mémoires de Condé.