Il arriva à Londres, en 1753, une aventure qui fit du bruit. Une jeune fille, Elisabeth Canning, avait disparu pendant un mois. A son retour, elle raconta que deux bandits l’avaient emportée et retenue de force dans une maison où elle avait failli laisser son honneur et sa vie. Miss Canning était une fort jolie personne, tout le monde s’intéressa à son malheur. Une plainte fut présentée au shérif, une enquête fut ordonnée, et peu s’en fallut que neuf innocens ne fussent condamnés à la corde. Mais on découvrit en temps utile que cette jeune aventurière avait menti, qu’elle s’était sauvée de chez ses parens pour aller accoucher quelque part. Comme le dit Voltaire, « toute la ville de Londres, qui avait pris paru pour elle, fut aussi honteuse qu’elle l’avait été lorsqu’un charlatan proposa de se mettre dans une bouteille de deux pintes, et que deux mille personnes étant venues à ce spectacle, il emporta leur argent et leur laissa sa bouteille, »
Dans l’affaire d’Elisabeth Canning, le shérif et les jurés entendirent facilement raison. C’est qu’il n’y avait en jeu aucune question confessionnelle. Il en fut autrement en France huit ans plus tard. Un jeune homme de Toulouse, qui avait l’humeur sombre et mélancolique, se pendit le soir du 13 octobre 1761. Aussitôt la populace environna la maison, et un fanatique déclara tout haut que ce jeune homme était un martyr, que son père, qui était protestant, l’avait étranglé pour prévenir son abjuration; d’autres affirmaient que la religion protestante ordonne aux pères et aux mères d’égorger ou d’étrangler leurs enfans quand ils veulent se faire catholiques. Le capitoul arriva sur les lieux avec ses assesseurs et il tint incontinent le crime pour prouvé. La procédure fut si vicieuse dans toutes ses formes que le parlement la cassa; mais le préjugé subsistait et le juge n’osa braver la clameur populaire. Tous les zélés voulaient déposer. Celui-ci avait vu dans l’obscurité, à travers le trou d’une serrure, des hommes qui couraient;