ne devait être qu’une sinécure, personne assurément ne porterait cette dignité mieux que M. Thomas, personne mieux que M. Thomas n’occuperait cette sinécure. Mais si ce titre n’est pas vain, si ce poste n’est pas seulement une place, et doit être un emploi, pourquoi le directeur du Conservatoire de déclamation est-il M. Thomas? Nommerait-on directeur du Conservatoire de musique M. Francisque Sarcey?
« Il fallait un calculateur, ce fut un danseur qui l’obtint... » Si la place dont parle Figaro était celle de directeur d’une école de danse et de calcul, peut-être le choix du ministre pouvait s’expliquer par cette raison : l’école de calcul n’était qu’une annexe de l’école de danse établie avant elle; ainsi l’habitude s’était prise de mettre un danseur à la tête de l’une et de l’autre; il fallait qu’un long temps s’écoulât et que l’École de calcul, tout en se gouvernant mal, acquît de l’importance pour qu’on remarquai le vice de cet usage. Tout s’explique en ce monde, — si tout ne se justifie pas, — par des raisons historiques. Si pourtant, par des raisons historiques, il se trouvait que M. Mérante et M. Petipa fussent directeurs de l’École polytechnique et de l’école des mines, ou s’apercevrait que ces choix compromettent le recrutement des artilleurs et des ingénieurs de l’état. Le Conservatoire fut institué par la loi du 16 thermidor an III « pour exécuter et enseigner la musique. » Les professeurs de déclamation n’y parurent pas avant 1808, et ce n’est qu’en 1824 qu’un arrêté ministériel établit une école spéciale de déclamation. En cette année 1824, Cherubini étant directeur, Habeneck lui fut adjoint comme directeur honoraire; en 1842, Cherubini fut remplacé par Auber. Aussi, en 1871, quand mourut Auber, M. Jules Simon, jetant les yeux sur cette suite de musiciens, put-il dire à M. Thomas : « Si je ne vous nommais pas, j’aurais l’air de signer votre destitution. » Cependant le temps est venu peut-être de s’apercevoir qu’il est mauvais de mettre un compositeur de musique à la tête d’un séminaire de tragédiens et de comédiens. Si M. Francisque Sarcey ou quelque autre amateur de tragédie et de comédie succédait à M. Thomas, le trombone, la trompette, l’harmonie et le contrepoint seraient sacrifiés sans doute à l’art de bien dire; pourquoi faut-il qu’à présent, au contraire, l’art de bien dire leur soit sacrifié? Pourquoi cette injustice plutôt que celle-là? L’une et l’autre nous paraissent également fâcheuses; nous ne prétendons exercer, au nom de la déclamation, aucune représaille : l’équité nous suffirait. L’auteur de Françoise est assez occupé à surveiller l’éducation de ses futurs interprètes et de ses futurs émules; d’ailleurs il ne prétend pas sans doute juger avec compétence des choses tragiques ou comiques. Il n’a ni le temps ni l’indiscrétion de gouverner cette partie de son empire; de sûrs témoins déposent devant nous de la façon dont il y règne ; jamais, dans l’intervalle des concours, le directeur du Conservatoire n’ouvre la porte d’une des quatre classes de déclamation, il