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Page:Revue des Deux Mondes - 1883 - tome 58.djvu/948

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doivent continuer leurs études sans briguer déjà des récompenses, et, en troisième lieu, ceux qu’il faut dès lors exclure du Conservatoire, comme incapables d’y profiter. Rejeter ceux-ci plus tôt, comme on fait quelquefois en janvier, après trois mois à peine, est peut-être imprudent et presque arbitraire; après six mois on ne risquerait pas de perdre un peu de grain avec le son. Ainsi, des trois concours, le premier resterait seul, et cependant plus de chances seraient réservées de voir des sujets distingués se produire au quatrième.

Dans celui-ci, où se restreindrait la véritable lutte, les candidats ne déclameraient que des morceaux de tragédie et de comédie classiques, des morceaux du grand répertoire, vraiment tragiques et vraiment comiques : ainsi seraient écartés les drames modernes, — dont l’auteur peut siéger parmi les jurés, — les pièces du répertoire de second ordre et les fragmens peu tragiques ou peu comiques tirés hypocritement de tragédies ou de comédies véritables; aucune de ces trois catégories ne serait acceptée ; aucune ne fournit la matière d’une sérieuse épreuve. Je n’exigerais pas, comme certains critiques le veulent, que les morceaux de concours fussent tirés au sort : je craindrais que le sort ne fût injuste et ne distribuât aux concurrens des tâches inégalement convenables à leurs natures. Je préfère que chacun se montre en son beau : je permettrais donc que l’élève choisît ses morceaux avec le conseil du professeur et l’assentiment du directeur. On assure qu’à présent des élèves passent tout l’année sur la page qu’ils déclameront en juillet : j’aimerais que le conseil du professeur et surtout l’assentiment du directeur ne fussent donnés qu’en juin; au moins jusque-là l’élève serait en suspens, et des calculs menés de trop loin risqueraient d’être déçus. D’ailleurs, je ne serais pas fâché qu’on établît une épreuve nouvelle, dont il fût tenu grand compte : la lecture d’un morceau tragique et d’un morceau comique, — ceux-là tirés au sort, — après une méditation de quelques heures.

Sur les récompenses mêmes, je n’ai que peu de mots à dire. Je voudrais que le jury les décernât d’après le concours et sans tenir compte des notes de l’année. Si le concours a sa raison d’être, c’est qu’il offre une image des expériences du théâtre. Le public, quand un comédien ou un tragédien paraîtra sur une vraie scène, ne s’inquiétera pas de savoir s’il a bien travaillé chez lui, ni même s’il a été bon ou mauvais la veille, à la répétition générale, mais s’il est bon ou mauvais présentement. Qu’on accorde, si l’on veut, d’après les notes de l’année, des prix et des accessits d’excellence, qui répareront les hasards du concours; MM. les directeurs en quête de recrues y pourront avoir égard. Mais, en jugeant ce jour-là d’après ce qu’ils voient et ce qu’ils entendent, et d’autre part en rétablissant le rappel des récompenses, les jurés jugeront selon le véritable esprit du théâtre et selon la justice : enfin ils éviteront, à moins d’iniquités trop franches et que nous ne voulons pas prévoir,