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Page:Revue des Deux Mondes - 1883 - tome 59.djvu/104

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hommes ayant encore leurs armes. Est-il jamais arrivé qu’un conquérant prenne ainsi possession d’une grande ville ? Sir Garnet, assis dans un wagon, n’avait avec lui qu’un seul régiment et traversait des milliers d’ennemis, le fusil en main, pour aller occuper cette ville qui ne s’était pas encore rendue. »

Voilà ce qu’était devenue cette fameuse armée d’Arabi dont le fanatisme, disait-on, devait opposer à l’Europe les plus invincibles résistances ! Parmi des milliers de fuyards, il ne s’en trouvait pas un pour faire dérailler le train du vainqueur, pour tirer sur les wagons qui le composaient ! Le Caire allait bientôt : se rendre, et sir Garnet, malgré la vitesse du chemin de fer, devait y être devancé par une poignée de cavaliers, filant avec cette rapidité vertigineuse des courses à travers le désert auprès de laquelle la vapeur elle-même est tardive. « Partout, dit encore l’Egyptian Gazette, la population s’inclinait devant la présomptueuse marche en avant de la cavalerie du général Drury-Lowe, la trouvant toute naturelle, comme subissant une force irrésistible ; si bien que, sans tirer un seul coup de fusil, ces cavaliers audacieux arrivèrent en vue de la ville du Caire. Ils marchèrent droit sur les portes, sans avoir reçu d’autorisation d’un soldat ou d’un chef quelconque ; ils pénétrèrent dans le centre de la merveilleuse cité, et, au milieu de la foule étourdie, arrivèrent jusqu’à la citadelle. Là, placés à l’une des entrées de la forteresse, ils donnèrent fièrement aux milliers de soldats qui y étaient en garnison l’ordre d’abandonner leurs canons et de quitter la ville, et cette audace fut récompensée comme l’audace l’a rarement été, car, sur l’ordre de cette poignée de cavaliers, les régimens rebelles sortirent de la citadelle du Caire, laissant son prodigieux armement, son arsenal énorme,. et, en réalité, l’Egypte tout entière, aux pieds de la brigade de cavalerie. Le lendemain, au matin, sir Garnet, avec la garde écossaise, entrait dans la ville[1]. »

Sir Garnet Wolseley a été fait lord du Caire ; il l’a mérité. Tandis que l’amiral Seymour a laissé incendier Alexandrie, lui, il a sauvé le Caire. Le reste de la campagne égyptienne peut prêter à la critique ; mais la marche hardie de la cavalerie sur la ville menacée, immédiatement décidée et entreprise après la chute de Tel-el-Kébir, est une belle et éblouissante opération militaire. L’Egyptian Gazette exagère la puissance de la citadelle du Caire. ; mais il est certain que le général Drury-Lowe n’y a pas rencontré l’ombre d’une résistance. Il a déclaré lui-même, dans l’enquête judiciaire, qu’il avait immédiatement trouvé tous les chefs de la garnison d’une soumission, d’une humilité absolues. Pour grossir en apparence les

  1. The Egyptian Gazette parait en anglais et en français ; je ne traduis donc pas, je cite la traduction du journal lui-même.