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l’Egypte avec la plus entière confiance dans son avenir, parce que je sais que l’Angleterre ne peut pas ajourner plus longtemps les réformes pour lesquelles nous avons lutté.

Prochainement, le contrôle anglo-français sera aboli. L’Egypte cessera d’être entre les mains d’une myriade d’employés étrangers, occupant tous les postes avantageux à l’exclusion des Égyptiens. Nos tribunaux indigènes seront débarrassés de leurs abus ; des codes de lois seront décrétés, et, ce qui est beaucoup plus important, seront appliqués. On instituera une chambre des notables avec droit d’intervention dans les affaires du peuple égyptien ; la nuée des usuriers dans les villages sera chassée. Le peuple anglais, lorsqu’il verra toutes ces choses, sera enfin en état de constater ce fait que ma rébellion était amplement justifiée.

Fils de fellah, j’ai tenté du mieux que je pouvais d’assurer tous ces biens au pays auquel j’appartiens et que j’aime. Ma mauvaise fortune ne me permet pas d’accomplir ces projets. J’espère que le peuple anglais complétera l’œuvre que j’ai commencée. Si l’Angleterre remplit cette tâche et donne ainsi l’Egypte aux Égyptiens, elle montrera clairement au monde quel était le véritable but poursuivi par Arabi, le rebelle.

Tout le peuple égyptien était avec moi, comme j’étais avec l’Egypte, ce pays que j’aimerai toujours. J’espère que l’Egypte ne m’oubliera pas lorsque l’Angleterre achèvera ce que j’avais essayé d’entreprendre. Encore une fois, je ne me plains pas de ma destinée ; j’en suis même heureux et content parce que je sais que mes infortunes ont été les moyens d’assurer à l’Egypte la liberté et la prospérité dont elle mérite de jouir. Lorsque l’Angleterre aura réalisé sa bonne œuvre, elle voudra, j’en suis certain, dans son humanité et son sentiment élevé de la justice, me permettre de retourner dans ma patrie bien-aimée et de voir de mes propres yeux, avant que je meure, le résultat de son action humanitaire et civilisatrice.

Je suis reconnaissant à M. Gladstone et à lord Granville d’être intervenus en ma faveur et de m’avoir sauvé d’une situation périlleuse. Ils apprendront bientôt que je n’étais pas rebelle quand je me mis à la tête d’un peuple qui ne réclamait que justice. Je remercie aussi lord Dufferin et sir Edouard Malet pour la courtoisie et la générosité qu’ils m’ont témoignées.

Je dois aussi une dette de reconnaissance, dont je ne pourrai jamais m’acquitter, à mon cher ami M. Blunt, qui n’a épargné ni sa peine ni son argent, pour m’assister à l’heure de la détresse et du besoin quand mes amis égyptiens des jours heureux m’avaient, l’un après l’autre, abandonné. Je ne pourrai jamais reconnaître assez les nobles et infatigables efforts, le zèle, la loyauté et le dévoûment de M. Broadley et