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n’avait d’argent ni d’un côté ni de l’autre pour payer les mercenaires ; rien ne pouvait plus contenir le dérèglement des gens de guerre. L’amiral « qui aimait la police et haïssait le vice, » disait souvent qu’il désirerait plutôt mourir que de retomber en ces confusions et de voir sous ses yeux commettre tant de maux.

Des conférences furent ouvertes à Saint-Germain ; Coligny avait écrit le 29 juillet à la reine mère une lettre où il promettait de ne pas faire faire un pas en avant à son armée ; il témoignait d’un vif désir de hâter la paix et se défendait d’entretenir contre elle aucun mauvais sentiment. « J’oublie très volontiers tout le mal que l’on m’auroit voulu procurer en vostre endroict, pour me souvenir du bien. » Catherine nourrissait contre l’amiral une haine profonde ; elle le tenait pour son plus dangereux adversaire ; mais elle avait déjà conçu le dessein de se débarrasser de lui par d’autres armes que la guerre ; elle facilita en conséquence l’heureuse issue des négociations et un nouvel édit de pacification mit fin aux hostilités. Coligny, le vaincu de Moncontour, dont la retraite rapide avait ressemblé tout le temps à une fuite, qui était sans argent, sans artillerie, suivi seulement de chevaux efflanqués et de retires en guenilles, obtenait des garanties presque inespérées pour ses coreligionnaires. Pour la première fois, on accordait aux réformés des places de sûreté : La Rochelle, Montauban, Cognac et La Charité étaient mises pour deux ans sous la garde des princes ; l’exercice du culte réformé pouvait continuer dans toutes les villes où il se pratiquait en 1570 ; il était permis, en outre, dans les faubourgs de deux villes désignées dans chaque gouvernement, ainsi que dans les maisons de tout seigneur haut justicier. Coligny, la paix signée, n’eut rien de plus pressé que de faire décamper les reîtres ; il assura le paiement de leur solde, les fît partir à la fin du mois d’août, et reconduire jusqu’à la frontière par le marquis de Renel.

Il prit ensuite lui-même le chemin de La Rochelle, où il n’arriva que le 25 octobre, avec les jeunes princes et le comte Ludovic de Nassau. Il y retrouva ses enfans, ceux de d’Andelot, sa belle sœur, La Rochefoucauld, La Noue, Jeanne d’Albret, qui, pendant l’absence des princes, avait dirigé, avec l’aide d’un conseil, toutes les affaires politiques, administratives et militaires. L’amiral résolut de demeurer à La Rochelle, jusqu’à ce que tous les articles de l’édit eussent reçu leur pleine exécution. Le maréchal de Cossé lui fut envoyé pour conférer avec lui sur beaucoup de points ; il avait mission aussi de sonder Jeanne d’Albret sur un mariage entre le prince de Navarre et Marguerite de Valois. Cossé, depuis longtemps ami de l’amiral, trouva le chemin de son cœur en lui parlant d’une guerre avec l’Espagne, de la nécessité de tourner vers l’ennemi extérieur tant d’épées qui venaient seulement de rentrer dans le fourreau. Coligny