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Page:Revue des Deux Mondes - 1883 - tome 59.djvu/188

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petites cours allemandes ; il le tenait longtemps seul, se cachant de sa mère, « qui vouloit mettre le nez partout ; » il lui recommandait de ne point la mettre dans le secret de l’entreprise des Flandres : « Je vois bien que vous ne connoissez ma mère : c’est la plus grande brouillonne de la terre. »

Coligny était touché de tant de confiance ; il rassurait les gentilshommes qui voulaient coucher sur des paillasses dans l’antichambre du logis qu’on lui avait donné dans la cour basse du château : le roi le comblait, il lui avait rendu toutes ses dignités, il l’avait indemnisé du pillage de Châtillon. Comme il allait un jour seul dans le château, il rencontra M. de Montpensier qui venait de chez la reine : « Et le voyant ainsi, ce prince, bon vieillard, homme de bien, ne se peust tenir de luy dire, la larme à l’œil : «  Comment avez-vous si peu de soin de vous, monsieur, que d’aller ainsi seul ! Ne connoissez-vous pas bien les gens à qui vous avez affaire ? Passer ainsy seul en un lieu obscur, où quand on vous auroit guetté et faict quelque mauvais tour, on ne feroit aultre chose que d’en accuser vostre imprudence ! » Le dict sieur admiral, le remerciant très humblement, luy dist seulement ce petit mot ; « Je suis dans la maison du roy. — Oui, monsieur, dist ledict sieur de Montpensier, où quelquefois le roy n’est pas le maistre[1]. » Les séances du conseil, souvent présidées par l’amiral, furent quotidiennes jusque vers le milieu d’octobre : Mme l’amirale arriva à Blois, le 6 octobre, et y reçut le meilleur accueil de Charles IX et de sa mère. Après l’avoir présentée, Coligny demanda la permission de se retirer pour quelque temps à Châtillon. Il y fut rejoint par sa fille et par son gendre Téligny et demeura pendant tout l’hiver et tout le printemps de 1572 en correspondance constante avec le roi.

Jeanne d’Albret, après de longues hésitations, s’était décidée à quitter le Béarn et à se rendre à la cour, à Blois. Le 10 lévrier, elle était à Tours avec Ludovic de Nassau et le jeune prince de Condé. La première entrevue entre la reine de Navarre et la reine mère eut lieu à Chenonceaux. Catherine voulait que le mariage du prince de Navarre fût célébré à Paris et selon le rite catholique seulement ; Jeanne d’Albret résista sur ces deux points ; elle finit par accepter le choix de Paris, mais elle demanda une cérémonie qui pût contenter tout le monde. Le pape ne se hâtait point d’envoyer les dispenses, et Charles IX, impatient, menaçait « de prendre lui-même Margot par la main et de la mener épouser en plein prêche. » Le mariage se liait à des arrangemens politiques tout nouveaux : le 19 avril, on signa un traité d’alliance défensive avec la reine Elisabeth. Coligny était si plein de confiance qu’il détermina ses amis à

  1. Mémoires de La Huguerie.