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c’est le gouvernement japonais qui en effectue la vente comme il l’entend ; les Hollandais ne sont pas même présens. On leur dit ensuite : « Voilà ce que votre cargaison a rapporté en échange de cette valeur, nous vous donnons tels objets (au nombre desquels il y a toujours 7,000 piculs de cuivre et une certaine quantité de camphre), Pour l’année prochaine, nous vous ordonnons de nous apporter telle ou telle marchandise. » — C’était ainsi que les choses se passaient, il y a quarante ans à peine. Il n’est pas indifférent de rappeler les conditions presque humiliantes auxquelles était assujetti le commerce, européen sous le vieux régime japonais : les progrès accomplis par une évolution presque soudaine n’en paraîtront que plus saisissans.

De 1854 à 1858, le gouvernement du Japon consentit à traiter avec les États-Unis et avec les différentes puissances de l’Europe. Témoin des défaites successives qu’avait subies la politique chinoise, prévoyant qu’il allait être exposé aux mêmes assauts, il comprit que le moment était venu de renoncer à sa politique traditionnelle et de faire accueil aux étrangers. Ce mouvement d’opinion fut secondé par une révolution intérieure qui, mettant fin au régime féodal, constitua l’autorité du mikado et attribua à ce dernier, devenu souverain effectif, le pouvoir de traiter avec l’Europe. Au système d’exclusion a succédé, depuis 1858, un régime de liberté relative qui, pour les relations politiques comme au point de vue commercial, établit des communications régulières avec un pays qui compte 35 millions d’habitans et qui s’est révélé à nous avec tous les caractères d’une nation intelligente, industrielle, accessible à tous les progrès. Décidé ou obligé, bien après la Chine, à se laisser pénétrer par la civilisation occidentale, le Japon est devenu, en peu d’années, le plus européen des pays de l’extrême Orient.

Le royaume, de Siam, qui fut longtemps et qui est peut-être encore aujourd’hui tributaire de la Chine, tenta dès le commencement de ce siècle, l’esprit d’entreprise de la compagnie des Indes orientales : mais ce pays, soumis au régime despotique et peuplé seulement de cinq à six millions d’habitans, ne devait procurer au commerce étranger que des bénéfices très restreints : c’était surtout l’intérêt politique qui engageait l’Angleterre à ouvrir des relations avec la presqu’île trans-gangétique et à y faire prédominer son influence, en prenant les devans sur les rivaux qu’elle pouvait rencontrer en Asie. Dès 1833, le gouvernement des États-Unis avait conclu un traité de commerce avec Siam ; l’Angleterre, en 1855, et la France, en 1856, obtinrent également des traités destinés à assurer la liberté des transactions.

Quant à l’empire d’Annam, il intéresse particulièrement la France, qui s’y était établie avant les autres nations européennes, par l’influence que, vers la fin du XVIIIe siècle, les missionnaires catholiques avaient acquise à la cour de l’empereur Gya-Long. En 1787, une ambassade annamite, conduite par l’évêque d’Adran, signa à